jeudi 8 avril 2010

Malraux et son temps

André Malraux et son temps

Introduction : (1901- 1976)
Si l'on tente de deviner quel écrivain a assez incarné le 20ème siècle et assez agi sur lui pour que ce siècle puisse être dit le sien, Malraux n'est pas mal placé. Le choix est entre les écrivains qui étaient au tournant de l'autre siècle, entre 1895 et 1905, qui ont vécu assez longtemps (1960, 70, 80) pour « couvrir » une large part de ce siècle et qui, en marge de leur œuvre de créateur ou par elle ont joué un rôle majeur dans les débats d'idées.
Lorsqu'à la fin des années 20, André Malraux fait irruption sur la scène littéraire, il imposa d'emblée un ton, un style, un personnage. En lui, l'acteur et la littérature, le politique et la morale semblaient se réconcilier. Doué du génie de la séduction et de l'autopromotion, l'auteur des conquérants et de la condition humaine voulait marquait ce monde. Restent aujourd'hui ses livres, que l'on peut apprécier en oubliant l'homme, mais on se prive alors de leur personnage principal. « Ma vie ne m'intéresse pas » disait-il. De fait, seule sa vie l'intéressait. La sienne, plus chargée d'événements, de risques pris, de responsabilités animées, de dangers courus de celle d'aucun autre écrivain français ; pose avec force le problème des rapports entre le réel et l'imaginaire, entre l'acteur et sa représentation, entre la poésie et la vérité. Ce qui est clair, c'est que sa vie et son œuvre, profondément liées sont les deux formes d'une intense organisation de soi comme volonté d'abord, comme représentation ensuite.
La vie de Malraux est l'histoire d'un homme qui, à force de vouloir « transformer en la plus large expérience possible », a vécu plus totalement son siècle qu'aucun de ses contemporains. Ainsi cette « vie dans le siècle » est elle par un biais une vie du siècle lui-même, mais peut-on encore se demander dans quelle mesure Malraux a-t-il été un écrivain en prise sur son siècle ?

3 axes : - La naissance d'un écrivain
- L'engagement dans une période politique trouble
- Malraux dans les pas du général de Gaulle

I- La naissance d'un écrivain :
Né le 3novembre 1901 dans une famille modeste, Georges André Malraux vit une enfance particulière, qu'il refuse et dont il parle peu dans ses ouvre, mettant toute son énergie à faire croire qu'il est né adulte.

1. Avoir 20 ans dans les années 20 :
1) Le choc de la première guerre mondiale, une civilisation en déclin :
▪ Malraux n'a que 13 ans, donc trop jeune pour être mobilisé, mais génération consciente des événements
▪ Lors du bac de 1919 : « Que constate un homme éclairé lorsqu'il regarde le monde ? » on répond « le monde moderne est l'image du triomphe universel de la folie ». => 1GM = signe du déclin de le civilisation européenne pour Malraux (d'où son attirance pour Nietzsche)
▪ Le thème de ce déclin très présent dans son œuvre et répandu dans la pensée d'après guerre : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » Paul Valéry
2) Le nationalisme :
▪ 1GM => exacerbation des nationalismes. Massi, chef de file du conservatisme nationaliste, dans Défense de l'occident (1927) : « l'intelligence française est la seule qu'il y ait au monde ».
André Gide : « La civilisation d'Extrême Orient trouvera beaucoup plus à recevoir de nous que nous n'avons à recevoir d'elle ».
▪ Ce nationalisme s'exprime dans les mouvements comme l'Action française, ultranationaliste et monarchiste, crée en 1898 à la suite de l'affaire Dreyfus., par Charles Maurras
▪ Malraux décrit Maurras comme « une des plus grandes forces intellectuelles d'aujourd'hui » (1920s) ; il était particulièrement fasciné par son intérêt pour l'ordre opposé à l'anarchie.

2. Les débuts de l'écrivain :
1) De la connaissance à l'action :
▪ A 17 ans Malraux renonce au bac et se forge en 2 ans une immense culture générale
▪ Il participe avec René Louis Doyon en 1920 à la revus La connaissance, revue de lettres et d'idées avec un article sur « les origine de la poésie cubiste »
▪ Après Doyon il rencontre Florent Fels, fondateur de la revue Action => revue internationale, on y retrouve des textes d'Eric Satie, Gorki, Aragon. Ligne éditoriale orientée vers la gauche voire proche de l'anarchisme, mais la collaboration de Malraux est apolitique

2) La Nouvelle Revue Française :
▪ Il s'y intègre peu à peu et parvient à s'imposer en 1922 comme étant « la rose des vents de la littérature »
▪ Il y rencontre Gide, Drieu La Rochelle, Paul Valéry
▪ Le fait de collaborer à la NRF lui permet d'asseoir sa réputation d'écrivain, sans avoir vraiment produit d'œuvre.

3. L'Indochine et la colonisation :
L'Indochine = étape importante pou Malraux => ses aventures indochinoise lui ont donné la matière nécessaire à l'écriture
1) L'Affaire Malraux :
▪ L'Asie = importante pour Malraux à cause de la culture et l'art
▪ Il embarque en 1923 avec sa femme en direction de l'Indochine dans le but de trouver la voie royale qui reliait Angkor aux provinces nord de l'empire indochinois
▪ Il est arrêté en 1924 pour avoir pillé les ruines du temple de Banteai-Srey (vol de sculpture de pierre) => condamné à 3 ans de prison ferme => mais libéré grâce à ses amis en France, dont Paul Monin qui marquera fortement sa 2ème aventure indochinoise.

2) L'Indochine :
▪ Entre 1924 et 1925 Malraux retourne en Indochine pour créer un organe de presse libre dans une colonie où la législation sur la presse est très rigoureuse
▪ En 1925 il lance L'Indochine avec Monin : il y critique l'administration coloniale et les injustices de l'empire français. Il prend la défense des Annamites dans le conflit qui les oppose à un consortium de colons voulant racheter leurs terres à bas prix
▪ L'Indochine disparaît sous la pression de l'administration coloniale => reparaît en nov. 1925 sous le nom de L'Indochine Enchaînée
▪ Malraux rentre en France en décembre car il est ruiné => veut mener campagne à Paris contre le régime colonial mais ne commencera qu'en 1933

II- Engagement politique dans une période trouble : entre rêve et action
De retour à Paris, publie en 1926 la Tentation de l'Occident. L'aventurier au destin « orienté par le désespoir » mêle alors ambition intellectuelle, équipée spectaculaire, et engagement révolutionnaire. Sur le plan littéraire il se retrouve définitivement sacré grand écrivain à la fin de l'année 1928. La quête de l'action, le goût du choc des civilisations ne l'ont pourtant pas quitté...les voyages succèdent aux voyage, les engagements et actions aux analyses et réflexions.
1. Malraux : un révolutionnaire ?
A 33 ans, Malraux reste un révolté plus qu'un révolutionnaire. Mais alors qu'Hitler devient chancelier le 30 janvier 1933, les nazis ont pris le pouvoir à Berlin, et l'histoire va s'accélérer...
1) Engagement au cotés des intellectuels :
▪ En décembre 1932, il se joint (mais n'y adhère qu'en 1934) à l'association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), crée par Paul Vaillant-Couturier et Maurice Thorez, alors jeune dirigeant communiste.
▪ L'AEAR manifeste dés mars 1933 contre Hitler, notamment le 21 mars 1933 avec le meeting à la salle du Grand Orient de France. Malraux : « Depuis 10 ans, le fascisme allemand étend sur l'Europe ses grandes ailes noires. Le fascisme allemand nous montre que nous sommes face à la guerre, nous devons faire notre possible pour qu'elle n'ait pas lieu : mais nous avons affaire à des sourds, nous savons qu'ils n'entendent pas ! A la menace, répondons par la menace, et sachons nous tourner vers Moscou, vers l'armée rouge ! »
▪1933 : La condition humaine commence à paraître dans La Nouvelle Revue Française => le livre rend un son révolutionnaire (épisode de la révolution chinoise : soulèvement de Shanghai fomenté par les communistes, réprimé par les autorités chinoises) => 1.12.33 prix Goncourt

2) Voyages en URSS :
▪ Janvier 1934, Malraux et Gide portent à Berlin une pétition d'intellectuels réclamant la libération de Georgi Dimitrov, secrétaire de la 3ème internationale (accusé d'avoir participé à l'incendie du Reichstag) => Ni Hitler ni Goebbels ne les reçoit
Dimitrov est malgré tout libéré fin février 1934
▪ En mai 1934 campagne pour la libération Thaelmann, chef communiste emprisonné par Hitler, et de prisonniers antifascistes. => C'est durant cette période qu'il écrit le fameux texte par lequel il s'affirme écrivain révolutionnaire : la préface du Temps du Mépris (1935, « Aux camarades allemands qui ont tenu à me faire transmettre ce qu'ils avaient souffert et ce qu'ils avaient maintenu »)
▪ Il est reçu au 1er Congrès des écrivains soviétiques à Moscou en 1934 en tant qu'écrivain révolutionnaire, malgré l'article de P. Nizan : « Malraux n'est pas un révolutionnaire... Il est un de ces jeunes écrivains de renom qui, sortis de la classe bourgeoise, destinent cette classe à une mort naturelle et se rallient au prolétariat. Mais cette alliance contient des raisons personnelles sans rapports avec la cause révolutionnaire. »
▪ Durant le débat du Congrès, deux tenants : -celui du front large ouvert sur le alliances bourgeoises dont le porte parole est J.R. Bloch (Malraux de ce côté)
-celui du front étroit, Karl Radek
▪ Malraux prend cependant ses distances avec l'idéologie officielle : « L'image de l'URSS que nous en donne sa littérature l'exprime-t-elle ? Dans les faits antérieurs, oui. Dans l'éthique et la psychologie, non. »

3) Compagnon de route des communistes :
▪ Après ce voyage mouvementé, où Malraux fut traité en hôte célèbre plus qu'en camarade, en artiste plus qu'en militant, mais où il pu s'exprimer librement en public et dans la presse, c'est sur le plan du « compagnon de route » qu'il se place, du révolutionnaire antifasciste, non marxiste.
▪ De retour en France, il se lance avec Gide dans de nouveaux combats, de meetings en meetings. Fasciné par Léon Trotsky , il s'insurge contre l'expulsion de celui-ci, réfugié en France, par le gouvernement Doumergue.
▪ 1935 : Malraux est au premier rang du Congrès et Assises Internationales des écrivains pour la défense de la culture, qui se déroule à la Mutualité. Ce congrès est celui de ceux « pour qui l'avènement du fascisme était une injure personnelle »
▪ Malraux garde alors ses distance avec le parti communiste, et le communisme ; et curieusement même après le 6 février 1934, il ne croit pas au fascisme français, qui a pourtant bien reconnu en lui l'ennemi.

2. L'action : la guerre civile espagnole :
1) Les débuts de la guerre d'Espagne :
▪ février 1936, el frente popular remporte les élections en Espagne. La jeune République fait face aux attentats phalangistes et aux grèves antifascistes lancées par les syndicats socialistes et communistes ; le pays est divisé en moitiés égales autour du front populaire et du front national. La radio espagnole se transforme en arme à tir pour diffuser vraies et fausses nouvelles ; une propagande intense relaie la politique du Kominterm (= établir un Front Populaire de tous les partis démocratiques, ouvriers et bourgeois, ce que Malraux approuve)
▪ Malraux se rend à Madrid en mai 1936 en délégué de l'association internationale pour la défense de la culture, invité par José Bergamin ; il y rencontre des intellectuels plus ou moins libéraux progressistes dont Ramon Gomez de la Serna, Antonio Marchado, et des leaders politiques de gauche tels que Largo Caballero
▪ Moins de 2 mois après le retour à Paris de Malraux, le 17 juillet 1936, un pronunciamento préparé par quatre des principaux chefs de l'armée espagnole (Sanjurjo, Mola, Goded, et Franco) est déclenché. Les garnisons marocaines de Melilla et de Tetouan se mettent en mouvement et le 18, 185 généraux sur les 200 que compte l'armée espagnole entrent en dissidence. L'insurrection militaire touche bientôt l'Espagne entière. Le gouvernement décide d'armer le peuple, c'et le début de la guerre civile qui va durer prés de 30 mois.

2) Malraux, la guerre civile et les divisions internationales :
▪ Malraux s'envole le 21 juillet, lendemain de la révolte de Barcelone, pour Madrid (ville dont personne en France ne sait au juste si elle est aux mains des républicains ou des rebelles). José Bergamin le met en contact avec les milieux républicains dés son arrivée
▪ Le 19, les quelques pilotes et leurs avions restés fidèles au gouvernement sont tombés aux mains des putchiste, et bien que les franquistes ne disposent pas encore des escadrilles envoyées par Mussolini et Hitler, leur avantage est tel que seule une force aérienne pourra les empêcher de s'emparer bientôt de Madrid =>Malraux repart en août en France avec pour mission de trouver des avions pour sauver la liberté. Il n'obtient à Paris qu'une 20aine, puis une 10aine d'autre, qui pourront rejoindre l'Espagne un peu plus tard, car le gouvernement accepte alors de fermer les yeux jusqu'au 8 août, date de mise en application de la règle de non intervention signée avec l'URSS et la GB.
▪ C'est donc avec ses avions que Malraux amène ses hommes en Espagne, avec un courage physique et une force morale qui aident à oublier qu'il est incapable de piloter un avion ! Son escadrille fut la seule à s'opposer à l'aviation fasciste, notamment à Medelin et Teruel. Mais peu à peu tous les appareils furent détruis par ceux d'Hitler et Mussolini => l'aide du monde libre est urgente
▪ En mars 1937, Malraux promu ministre officieux de la propagande et des relations extérieures du gouvernement républicain, part aux EU dans le but de récolter des fonds pour l'aide médicale espagnole => En 5 semaine de voyage il fait connaître la cause républicaine à Washington, NY, Philadelphie, Cambridge, LA, San Francisco, Toronto et Montréal, et récolte des dizaines de milliers de $

3) L'Espoir et Sierra de Teruel :
▪ De suite après la défaite de la bataille de Teruel, Malraux pense porter son roman L'Espoir à l'écran ; le gouvernement, de plus en plus alarmé par les résultats de la politique de non intervention qui livre le pays au fascisme international, lui donne carte blanche pour tourner son film en Espagne. Il faut faire vite, L'Espoir se veut une œuvre de propagande pour la cause républicaine. Un tournage difficile et contre la montre commence alors dans Barcelone.
▪ Le tournage de Sierra de Teruel continue jusqu'au début de 1939, mais en janvier il devient évident que la capitale catalane, prise, va tombée, que la République n'a plus longtemps à vivre. Il faut alors se replier sur la frontière puis sur Paris, Malraux n'achèvera pas de tourner. 10 fois Malraux monte et remonte les éléments déjà existants ; quand il lève la tête de sa table de montage, Hitler a envahi la Pologne : La 2GM vient d'éclater. Pendant celle-ci la seule et unique copie échappe aux allemands, et quand le film est projeté en 1945 sous le titre de L'Espoir, il reçoit le prix Louis Delluc.

3. Malraux et la résistance :
Lorsque la guerre éclate en France, Malraux se retire en Corrèze à Beaulieu-sur-Dordogne pour écrire la psychologie de l'art, projet qu'il avait déjà avant de s'engager en Espagne et que sa défaite en tant qu'homme d'action a rendu plus pressant. Mais le premier septembre pourtant, il sait qu'il n'est plus temps.

1) Malraux et la drôle de guerre :
▪ « Quand on a écrit ce que j'ai écrit, et qu'il y a une guerre en France, on la fait. ». Malraux souhaite donc s'engager dans l'aviation, mais refusé par le ministère de l'Air, il est admis comme 2ème classe dans un régiment de blindés de Provins.
▪ La « drôle de guerre » qui s'installe de part et d'autre de la ligne Maginot donne l'impression de s'enlisait ; mais cette illusion prend fin après l'offensive des Ardennes, suivie par l'appel du Maréchal Pétain à l'arrêt des combats, puis la signature de l'armistice le 22 juin.
▪ Malraux est déçu par ce lamentable engagement de la France. Il avait cependant été fait prisonnier dans un ancien entrepôt transformé en camp, où ils étaient plus de 10 000 (entre Provins et Sens), il se lie alors d'amitié avec Beuret et Jean Grosjean prisonniers eux aussi. Ensemble ils acceptent une mission dans une petite ferme prés de Sens, y voyant l'occasion d'une surveillance relâchée => ils parviennent à s'evader.
▪ Il se réfugie dans la Drôme, puis à Nice. Enfin il part vers la zone libre avec sa femme (Josette) et son jeune fils (Pierre Gauthier) retrouver les joies de la vie familiale et de la création ; il fait donc une halte de 30 mois, malgré les incitations pressante de Sartre, Simone de Beauvoir, Roger Stéphane ou Claude Bourdet, parmi d'autre... IL s'installera en Corrèze avec Josette et Pierre Gauthier à la fin de 1942. Il ne garde que des liens très éloigné avec la résistance, et ce n'est qu'à partir de 1944 qu'on peut le considérer comme appartenant à la résistance active.

2) Le « Colonel Berger » :
▪ Malraux se précipite dans le combat après l'arrestation de ses deux frères : Claude, membre d'un réseau qui faisait sauter les bateaux allemands sur la Seine ; et Roland arrêté dans une ferme par la Gestapo alors qu'il tentait d'établir un contact radio avec Londres.
▪ Il gagne la Dordogne (riche en sites propres à l'action clandestine) : le Périgord Noir est semé de nombreux petits châteaux, refuges pour tous les maquis. Mais la situation n'est pas claire => rivalités et règlements de compte, manque de coordination => action inefficace : les réseaux sont plus ou moins ralliés à l'une ou l'autre des grandes organisation (FTP : francs tireurs et partisans –d'obéissance généralement communiste, AS : armée secrète -d'obéissance gaulliste) ou encore aux réseaux britannique SOE, dépendant du Major Buckmaster.
▪ Malraux veut fédérer et diriger cette constellation de maquis. Il y a au début du printemps 1944 une quinzaine de milliers d'homme à peu prés armés et équipés, mais ces forces là ont leu chef et Malraux ne réussira jamais à s'opposer à la plupart d'entre eux.
▪ En « endossant la vareuse du Colonel Berger », Malraux veut redonner à la France libre, déchirée par les idéologies de tous bords, l'unité qu'il lui manque. Il veut imposer ses idées, con courage, son ambition nouvelle de faire flotter le drapeau tricolore plus haut que le drapeau rouge. Il échoue cependant à fédérer depuis la Corrèze tous les maquis de la « R5 », la veille du jour j ; mais les 37 groupes que commande le Colonel Berger ont néanmoins réussit à retarder la montée des renfort allemands vers le front de Normandie.
▪ Le 22 juillet 1944 cependant, Malraux est arrêté, il subit un simulacre d'exécution puis un interrogatoire : un quiproquo, dû à la confusion de son prénom à l'Etat civil et celui d'André, ainsi qu'entre le dossier de son frère Roland et le sien, lui donne du répit. Enfermé à la prison Saint Michel de Toulouse, le Colonel Berger attend un second interrogatoire qui signifiera le peloton d'exécution, mais il est sauvé in extremis par la libération de la ville le 18 août.
▪ En septembre il prend le commandement de la brigade « Alsace-Lorraine » formée en Périgord puis rattachée à la 1ère DFL, qui combat dans les Vosges, en Alsace, libérant Strasbourg, puis jusqu'à Stuttgart en mars 1945 => Pour une fois Malraux est du côté des vainqueurs

3) Distinguer le vrai du faux :
▪ Après la libération, Malraux fait valider ses services militaires : son dossier comprend 27 feuillets. Malraux remplit lui-même les pièces, ce qui n'est pas d'usage. Pour la partie civile, à la rubrique éducation, il se déclare « docteur ès lettres H.C. (Honoris Causa)
▪ Dans ce dossier léger pour un officier supérieur, Malraux renvoie sans cesse à ses décorations :
-légion d'honneur épinglée par le général de Lattre à Stuttgart => « Organisateur de la Résistance armée dans les départements de la Corrèze, de la Dordogne et du Lot » ; Malraux aurait affaiblit la Das Reich
-Distingued Service Order (DSO). Dans son dossier figure alors : « Promotion dans l'ordre du DSO, le colonel Malraux a organisé les combats de guérillas sur une large échelle contre les forces allemandes de sa région, conduisant personnellement ses troupes au combat en toutes occasion (Faux). Son commandement et son courage sous le feu lui ont gagné le respect (à moitié vrai) et l'admiration non seulement de ses propres soldats mais des officiers britanniques qui ont combattu à ses côtés »
-il est fait « FFI commando »
-il est décoré de la croix de la libération, de la médaille de la résistance, de la croix de guerre
▪ Ce dossier comporte tout de même des trous noirs et ne va pas sans contestations : qui a autorisé l'écrivain à le remplir lui-même ? Qui chez les français ou les britanniques n'a pas pu ou voulu des erreurs de taille ? Pourquoi Malraux a-t-il été promu si aisément malgré des annotations comme « impossible à établir faute de pièces » ? Pourquoi a-t-on fait allusion aux blessures de Malraux alors que son dossier médical, seul susceptible de confirmer, avait disparu ?
▪ Mais pour Malraux, toutes ces décorations importent peu, c'est la création et l'imagination qui comptent. Il souhaite d'ailleurs, après le succès de son premier film Sierra de Teruel, tourner un second film sur la résistance, il fait alors savoir qu'il écrira un roman qui « sera à la résistance ce que L'Espoir est à l'Espagne ». Ce projet sur la résistance qui devait aboutir au roman Non n'aboutira jamais, sa résistance n'ayant pas été assez réelle.

III- Sur les pas du Général de Gaulle :
1- La métamorphose (1945-1953) :
1) La rupture avec le communisme :
▪ 28 janvier 1945 : réunion des membre du mouvement de libération nationale (MLN) à la Mutualité pour décider d'une éventuelle fusion avec le front national communiste => Malraux s'y oppose et appelle à une « nouvelle résistance » => le projet n'aura pas lieu.
▪ Beaucoup verront dans l'engagement de Malraux aux côté de de Gaule que la gauche tendait vers un pouvoir « général factieux ». Sartre en 1947 : « Un général au pouvoir, on sait quel avenir cet événement nous prépare : le bâillon, l'étouffoir, la mort d'un droit à la vie pour lequel tant de héros n'ont pas craint de mourir » - le reniement à ses engagements de jeunesse.
▪ Mais Malraux n'a jamais été communiste et a perçu très tôt en 1936 le visage totalitaire du régime soviétique.

2) La rencontre avec de Gaulle :
▪ Cette rencontre se fait par l'aide de Claude Guy, qui rend visite à Malraux et lui dit : « Le Général de Gaulle vous fait demander au nom de la France, si vous voulez l'aider ». La rencontre aura lieu lel 10 août 1945 au ministère de la guerre. Malraux n'apprendra que plus tard que le général ne l'avait jamais appelé...
▪ Les liens qui nouent les deux hommes sont très fort ; Malraux sera nommé ministre de l'Information le 21 août, mais le 20 janvier 1946 de Gaulle abandonne la présidence du GPRF étant farouchement opposé aux institutions de la 4ème République et espérant ainsi créer un mouvement d'opposition, Malraux le suivra dans sa retraite.

3) Dans les rangs du RPF:
▪ Rassemblement pour le peuple français créer le 7 avril 1947 après la proclamation de la 4ème République
▪ C'est Malraux qui convainc de Gaulle de lancer son appel en Alsace => il devient délégué à la propagande du RPF.
▪ Jusqu'au retour au pouvoir de de Gaulle en 1958, Malraux est dans sa 3ème période de création, caractérisée par une approche historiosophique de l'univers artistique. Paraissent alors La psychologie de l'art, Saturne, essai sur Goya, Musée imaginaire de la sculpture mondiale, la Métamorphose des Dieux. Il donne des interviews et écrit des articles, prononce des discours au nom de la lutte pour la dignité humaine, de la défense des libertés.
▪ En 1958 de Gaulle reprend le pouvoir et Malraux devient son ministre des affaires culturelles ; son action politique s'accompagne de nombreux discours passionnés, parfois lyriques, et toujours intenses.
Son programme culturel est ambitieux et contribue au rayonnement de la France : maison de la culture, inventaire des monuments et des richesses artistiques de la France, la Joconde aux Etats-Unis, la Vénus de Milo au Japon, plafond de l'opéra par Chagall et celui de l'Odéon par Masson...
▪ Il prononce un discours émouvant en 1964 lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Commence au même moment sa 4èmepériode d'écriture, testament spirituel grave. Il publie en 1967 Antimémoires et fait un discours sur les révoltes étudiantes en 1968 : « Nous ne sommes pas en face de besoins de réformes mais en face d'une des crises les plus profondes que la civilisation ait connues »
▪ En 1969 de Gaulle quitte l'Elysée et Malraux abandonne ses fonctions
▪ En 1971Malraux a 70 ans et s déclare prés à soutenir le combat des patriotes du Bengladesh, projet qui restera sans suites, contrarié par des facteurs politiques et personnels. Malraux publiera Oraisons funèbres, l'homme précaire et la littérature, .... Et bien d'autre, et il mourra finalement le 23 novembre 1976, au terme d'une vie de combat pour la dignité et l'espoir.

Conclusion :
On cite souvent la dernière phrase de son roman La lutte avec l'ange : « L'homme est ce qu'il cache (...) un misérable petit tas de secrets ». Mais il faut la compléter : « l'homme est ce qu'il fait ! » est-il répondu à la ligne suivante. L'homme de lettres mondialement reconnu a souvent enjolivé ou dissimulé tel épisode de sa vie « sanglante et vaine ». Envahi par la mort, qui a tant frappé autour de lui, Malraux y a opposé la profusion de la culture et l'héroïsme de la volonté.
Les aspects par lesquels l'œuvre de Malraux peut être vue en prise sur son siècle, comme témoignage et comme rapport, sont divers : sa formation autodidacte et l'étendue de sa culture littéraire et artistique, son attirance pour l'Asie et son expérience indochinoise marquée par la prise de conscience de mouvements de libération qui commencent alors, sa quête de l'action en compagnon de route des communistes, en militaire d'Espagne puis en France où son rôle dans la résistance à partir de 1944 témoigne d'un passage de l'internationalisme au patriotisme, son rôle aux côtés de de Gaulle en tant que ministre de la culture... Malraux, en politique, a fait plus que s'engager ou lancer des messages : il a été homme d'action et de pouvoir au sens plein, de l'aventure individuelle aux fidélités partisanes, les armes à la main ; il apparaît comme un acteur singulier de l'Histoire politique française.
Enfin, après ses voyages en Chine et en Inde, la lucidité sur le présent et la vision de l'histoire du monde dans son avenir, par la place qu'elles tiennent dans la vie et dans l'œuvre, sont un titre à considérer dans cette perspective d'identification de son siècle avec lui, ou de lui avec son siècle.

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