dimanche 11 avril 2010

Les évolutions constitutionnelles de 1870à nos jours

Les évolutions constitutionnelles de 1870 à nos jours



4 septembre 1870, IIIème République proclamée, non instituée. 20 septembre 2007, 22h19, on vit toujours sous un régime républicain. Comment cette forme de régime a –t-elle pu être aussi pérenne (Ière et IIème Républiques n’ont pas fait long feu et ont connu un demi-siècle d’intervalle) ? Il semblerait que les institutions ait su s’adapter à leur temps, jouant sur trois tensions : la représentativité des gouvernants, la marge d’interprétation des textes constitutionnels, et la formidable tension entre le pouvoir législatif et exécutif.
Nous étudierons ici les évolutions constitutionnelles à travers le prisme de l’exigence démocratique, base de la République. Une problématique très naïve (désolé, il est tard et j’ai pas mieux) serait de se demander si après presque 137 ans de République on vit en démocratie (j’assume) (« Vous êtes euh… un euh…un anarchiste ! -Ah ! C’est un peu court jeune homme. On aurait pu dire bien des choses en somme. Tenez… »

PS : pour les plus peureux, on se demandera dans quelle mesure les adaptations et refontes de nos lois constitutionnelles ont permis une stabilisation du régime.


I/ La Troisième, un régime parlementaire
1) une république sans constitution
2) la parlementarisation du régime
3) le dérèglement du système
II/ La Quatrième, un régime parlementaire ?
1) hésitations et compromis
2) primat de l’Assemblée Nationale et instabilité ministérielle
3) la république mal-aimée
III/ La Cinquième, la présidentialisation du régime
1) la réhabilitation du président
2) comment assurer la légitimité du président ?
3) les nouveau enjeux


I/ La Troisième, un régime parlementaire

symbole de l'installation de la république, la troisième est le régime répulicain le plus long (1870-1940)

1) une république sans constitution, puis sous l'influence de l'ordre moral

mais au début, pas de constitution. Le 4 septembre la IIIème est proclamée (Gambetta, depuis le balcon de l'hôtel de ville), mais pas instituée. Néanmoins premier changement par rapport aux deux précédentes : la présidence est personnalisée (un seul et non plus deux ou trois). Doit-on voir là la première influence de l'ordre moral ou plus pragmatiquement le besoin de solidité du régime face aux urgences du moment (défaite, occupation prussienne, Commune) ?
Toujours est-il que cette présidentialisation ne sera plus jamais remise en cause.
La république fonctionne donc selon des dispositions provisoires, chargées de répondre ponctuellement aux problèmes.
C'est ainsi que Thiers est d'abord nommé chef de l'exécutif avant d'être nommé président de la République. Il est néanmoins responsable devant le parlement, contrairement à son successeur, Patrice de Mac Mahon (1873-1879) (rien n'était prévu pour le faire dégager).





L'amendement Wallon du 30 janvier 1875 est un amendement instaurant, dans le cadre de la Troisième République, l'élection du Président à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Le texte, préparé par Henri Wallon, violemment débattu et adopté à une seule voix de majorité, confirme ainsi officiellement la nature républicaine du nouveau régime. (Source wikipédia)
Mac Mahon obtient par ailleurs la prolongation du mandat de président à 7 ans.
Mac Mahon, le dernier président jusqu'à De Gaulle ?

Les trois lois de févriers 1875 sont des lois constitutionnelles, ou lois organiques, répondent en grande parti aux problèmes d'organisation.


Les lois de 1875 :

2 chambres : la Chambre des députés (élu au suffrage universel…masculin), le Sénat (suffrage indirect). Président élu par la chambre des députés et le Sénat réuni en Assemblée nationale, pour 7 ans, rééligible.


France dotée d’une Constitution, mais pouvoir encore fort du Président (dissolution, nomme ministre), du Sénat (membre a vie, bastion de la France traditionaliste), laisse encore un (maigre) espoir de la Restauration.


Néanmoins, ces textes restent très flou, et sont par là même sujet à de nombreuses réinterprétations.


2) la parlementarisation du régime

Ce sont les deux assemblées qui ont le pouvoir.
Elles agissent de fait souvent en opposition, le sénat restant un bastion traditionaliste.
Le gouvernement est responsable devant la Chambre des députés.
De plus, cette orientation n'a pas été contesté par l'action de Jules Grévy, président de la République (1879-1887) abandonne tout pouvoir de l'exécutif et marque pour longtemps la fonction du président. Le pouvoir de dissolution tombe à partir de là en désuétude.







3) le dérèglement du système

il y a donc primat du pouvoir législatif mais absence de majorité durable (le centre glisse facilement et oscille entre gauche et droite).
Certains ont tenté de renforcer l'exécutif mais n'y sont parvenu. C'est le cas de Millerand qui démissionne de la fonction de Président de la République en 1924. C'est aussi le cas de Tardieu, pdt du conseil en 1929, 1930 et 1932, puis de Laval (on voit où ça mène) et ses décrets-lois, président du conseil en 1931-1932.

Vichy : parenthèse ou échec de la république ?

Plein pouvoir voté à Pétain qui contrôle donc l'exécutif et le législatif, absence de représentativité.
Principes de la république niés. Néanmoins le véritable projet de constitution de l’Etat Français n’a jamais vu le jour (il était prévu pour 1946)
Retour logique, à la libération, aux règles en vigueur à la mort de la troisième le 18 juillet 1940.


II/ La Quatrième, un régime parlementaire ?

Plus courte (27 octobre)1946-1958, pas de modifications constitutionnelles majeures

1) hésitations et compromis

Le gouvernement tripartite et le départ de De Gaulle
Dans ce gouvernement, Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, devient ministre d’Etat. Mais très vite le conflit éclate entre De Gaulle, le PCF et la SFIO a propos de la future constitution. De Gaulle est partisan d’un pouvoir exécutif fort, alors que le PCF et la SFIO préfèrent donner l’essentiel du pouvoir à une assemblée unique. Face à ce désaccord et pour frapper l’opinion publique, De Gaulle démissionne le 20 janvier 1946 en pensant qu’il allait être rappelé. Il ne le fut pas.
Après le départ de De Gaulle, le PCF et la SFIO imposent leur point de vue sur une constitution basée sur un pouvoir législatif fort. Le projet est soumis au peuple par voie de référendum en mai 1946. Celui-ci est rejeté par 53% de non. L’Assemblée est donc obligé de démissionner pour être remplacer par une nouvelle assemblée constituante.

L’adoption de la nouvelle Constitution
Aux élections législatives de juin 1946, le PCF subit un recul, mais surtout la SFIO ce qui permet au MRP de devenir le premier parti de France et d’infléchir le second projet de Constitution en sa faveur. Celle-ci est basée sur deux assemblées et un certain poids de l’exécutif. De Gaulle condamne ce second projet dans un très fameux discours prononcé à Bayeux, où il expose sa manière de concevoir la Constitution. Ce second projet de Constitution est approuvé par un référendum qui a lieu en octobre 1946.

Le compromis

2 chambres : une assemblée nationale, légitimée par le suffrage universel et un conseil de la République (équivalent au Sénat), affaiblie et tributaire de l'assemblée nationale (elle est élu par les représentants locaux, y compris par les députés).Un président élu pour sept ans, une seule réélection possible dont l'influence est limité aux affaires étrangères (chef de l'armée, signe les traités). Le pdt devient un personnage plus marquant : Vincent Auriol se permet d’écrire un livre, Journal d'un septennat.


2) primat de l’Assemblée Nationale et instabilité ministérielle

La Constitution soumet le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. L’Assemblée nationale oblige le président du conseil à solliciter l'investiture des chambres avant d'être nommé par le Président de la République. Dès le début, le Président du Conseil prend l’habitude de répartir les ministères entre les partis de gouvernement, à charge pour eux de désigner les ministres qui leur correspondent.
A la fin des années 40, les trois grands partis d’après-guerre se maintiennent bien que les modérés et les radicaux reprennent de l’importance. Le panorama politique se complique en 1947, lorsque De Gaulle lance un nouveau parti, le Rassemblement du Peuple Français (RPF). On a donc une multitude de partis politiques et aucun n’est suffisamment puissant pour détenir la majorité absolue à l’Assemblée. Il ne peut donc y avoir que des gouvernements de coalition. Or le soutien ou le refus de soutien à un gouvernement n’est pas décidé par le ministre participant au gouvernement mais par son parti. Ainsi, en 12 années de IVème République, 22 gouvernements se succèdent rendant le régime très instable. Tentative pour pallier l'instabilité ministérielle : réglementation dans le sens d'une limitation de la question de confiance et de la motion de censure.
Cette instabilité repose sur l’hétérogénéité des partis politiques. Les majorités nécessaires pour former et faire durer un gouvernement sont toujours très difficiles à trouver et éphémères. Si une majorité se dégage sur un problème particulier, celle-ci peut changer si le problème varie à son tour. Si les problèmes s’accumulent, la "valse des ministères" n’en est que plus grande.

3) un défaut de représentativité

Pas de représentativité, pdt élu par les 2 chambres (une seule étant élue au suffrage universel)

Opposition plus représentative que le gouvernement, ce qui est renforcé par l'instabilité de celui-ci.
























III/ La Cinquième, la présidentialisation du régime

Contexte : enlisement dans la guerre d’Algérie

Adopté le 4 octobre 1958, sous l'impulsion de De Gaulle, rédigé entre autres par Debré. Il s'agit d'un texte très technique (comparé aux précédentes). En somme un texte fait par et pour les technocrates.

1) la réhabilitation de l’exécutif

Il ne tient plus son existence du parlement.

L’article 34 définit clairement et limite les prérogatives de l’A.N et du Sénat qui ne font plus que voter les lois.

Enfin, plus de pouvoir et accordé au chef de l’Etat : nomination premier ministre et ministres, pouvoir de dissolution, pouvoir de référendum, chef des armées, peut recevoir des « pouvoirs exceptionnels » en cas de mis en danger de la république, il préside le Conseil des ministres.

2) comment assurer la légitimité du président ?

58-62 pdt élu par tous les élus : les deux chambres + les élus locaux => plus de représentativité du président donc plus de légitimité.

Réhabilitation de l'usage du référendum (moins limité) sur proposition du Pdt, au suffrage universel

à partir de 62, l'élection du président se fait au suffrage universel (réforme de la constitution adopté par....référendum!)

sous giscard, abaissement de l'âge de la majorité à 18 ans.(nécessité après 68)

3) les nouveaux enjeux

cohabitation : se developpe l'idée d'un domaine réservé du président que seraient l'armée et les affaires étrangères les affaires intérieurs étant pour le premier ministre. La réforme (toujours par référendum) du quinquennat met en pratique fin aux pb de cohabitation

révision conjoncturelle : pour rendre constitutionnel le traité de Maastricht
réforme de la justice pour rendre responsable les ministres (affaire du sang contaminé)

Jacques Chirac étend le référendum au domaine économique et social ( faire adopter le T.C.E)

Mitterrand a fait une partie de sa carrière sur la critique de cette Vème, dénoncé comme un pouvoir autoritaire, et pourtant arrivé au pouvoir il ne l’a jamais remise en cause et a fait deux mandats (recordman avec 14ans de Présidence).

Stabilisation de la République par adaptation sous la Vème.
CONCLUSION

Un premier point nécessaire à la stabilisation du régime républicain a semble-t-il été l’exigence de représentativité de l’élection, garant de la légitimité.
Ensuite la stabilisation du régime joue aussi sur la solidité de la Constitution : on est passé des textes des gens de lettres de la troisième (la rue d’Ulm) à ceux des technocrates de la cinquième (l’ENA, ils savent de quoi ils parlent). Par contre le pouvoir n’est toujours accessible qu’à une élite (on est loin de l’idéal démocratique du tirage au sort athénien).
Enfin, si grossièrement on peut dire que la Gauche a défendu le législatif et la Droite l'exécutif, la droite a gagné, le compromis s'étant fait à son avantage.
Mais on commence à parler de sixième république (c’est à la mode), avec divers arguments selon les obédiences :
●suffrage proportionnel (pour plus de représentation, elle n’est appliquées, que partiellement aux « petites élections », i.e pas aux législatives ni aux présidentielles),
●renforcement du législatif (à gauche, notamment pour se prémunir des abus de l’article 49.3 rappelant les « décrets-lois de misère » de Laval, cf le passage en force de Dominique Galouzeau de Villepin sur le CPE),
●renforcement de l’exécutif (Sarkozy l’avait envisagé avant la campagne présidentielle et son stock de lexomil).
Bref, si une certaine stabilité semble avoir était trouvé dans une constitution qui n’était que le fruit de son époque, de nombreux changements sont à prévoir. La démocratie est à portée de mains, mais demain c’est loin.

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