dimanche 11 avril 2010

L'Etat et l'Eglise en France de 1870 à nos jours

L’Etat et l’Eglise catholique en France de 1870 à nos jours



Sous la monarchie, l’Eglise est un pouvoir associé à l’Etat. Il n’en va pas de même sous cette République naissante qu’est la troisième et qui marque l’installation pérenne de ce type de régime, d’autant plus que les intentions vis-à-vis de l’Eglise semble clairement affirmées dès le programme de Belleville en 1869, puis par le délicieux « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » (Gambetta, 4 mai 1877)
Pb : Dans quelle mesure peut-on parler de séparation entre l’Eglise et l’Etat ?





Plan :
I/ L’Eglise face à la république (1870-1926)
1) Un Ordre Moral (1870-1879)
2) Vers la séparation ? (1879-1905)
3) « Eh bien, la guerre ! » (1905-1926)
II/ Le rapprochement (1926-années 60)
1) La reconquête de la société par l’Eglise catholique (1926-1940)
2) L’Eglise face à Vichy
3) Le renouveau politique à la libération
III/ Le coup de grâce ? (années 60 à nos jours)
1) L’Eglise en crise face à la modernité et l’Etat-Providence (années 60- années 80)
2) L’Eglise peut-elle encore défier l’Etat ? (années 80 à nos jours)






I/ L’Eglise face à la République (1870-1926)

1) Un Ordre Moral (1870-1879)

2 alternatives pour l’Eglise et son pendant politique qu’est la droite traditionaliste et catholique face à l’installation de la République : une République chrétienne ou une restauration de la Monarchie.
La première option est envisagée avec Thiers (« La république sera conservatrice »), la seconde avec Mac Mahon :
tentative restauration juillet - novembre 74 (légitimistes)
Mais désaccord Orléanistes (+libéraux) / Légitimistes (Comte de Chambord refuse de régner sans gouverner, ne veut pas donner de garanties quant à l’après Restauration).
Echec de la Restauration (prolongation du mandat de Mac Mahon de 5 à 7 ans en vue d’un restauration future, après la mort du Comte de Chambord)
Parallèlement, Eglise, hostile à la République (Syllabus, Pie IX), tente de retrouver de son influence : construction du Sacré-Cœur (sur la butte Montmartre, centre névralgique de la Commune), succès du pèlerinage à Lourdes…

2) Vers la séparation ? (1879-1905)

Après la démission de Mac Mahon et le succès des Républicains, on assiste à des tentatives de ralliement à la république, impulsé par le pape Léon XIII (1878-1903) et ses encycliques Immortae Dei (1885), Rerum Novarum (1891), Au milieu des sollicitudes (1892) : développement d’un catholicisme social (contre libéralisme et socialisme, défiance vis-à-vis de l’Etat, 3ème voie via le corporatisme) (Albert de Mun, Léon Harmel, Marc Sangnier) création du Parti Religieux par Albert de Mun en 1885
1894 : Le Sillon ( Marc Sangnier) mouvement de lycéens, favorable à la République, politiquement indépendant.
+création de l’ACJF (association catholique de la jeunesse française) reconquête de l’espace social à travers les jeunes

MAIS, l’Etat (sous un gouvernement de Républicains) ne parait que très peu sensible aux yeux doux que semble lui faire l’Eglise : la laïcisation est en marche.
Fin de l’exemption de service militaire pour les prêtres : « les curés sac au dos » (Boulanger)
Laïcisation autour de l’enseignement :
-loi de Ferry du 26 mars 1882 pour l’enseignement primaire,
-loi du 9 juillet 1901 sur les associations obligeant les congrégations à déposer une à déposer une demande d’autorisation
-loi du 7 juillet 1904 interdiction pure et simple de l’enseignement public par les congrégations

Dvpt en contre point de l’enseignement privé (forte influence des « universités libres »)



3) « Eh bien, la guerre ! » (1905-1926)

1905 : loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat
Eglise privée des subventions de l’Etat
Condamnation par le nouveau pape Pie X (Vehementus, 11 fevrier 1906)
Radicalisation de l’opposition
26 janvier 1906, incident, deux églises prises d’assaut, fidèles barricadés à l’intérieur.
Dvpt de l’Action Française, crée en 1899
Le sentiment d’anticléricalisme pousse jusqu’à l’éviction en 1917 du gouvernement d’Union Sacrée de Denys Cochin, représentant de la droite chrétienne entré au gouvernement en 1915
De plus, la condamnation du Sillon(1910) par le Pape, montre bien une certaine intransigeance et un refus de rallier une république qui ne cache pas son hostilité face à l’Eglise.
1925 : expulsion des Religieux entrés en France, par le Cartel des Gauches, suppressions de l’ambassade du Vatican, extension de la séparation de l’Eglise et de l’Etat à L’Alsace-Lorraine.

Ccl : privée de sa légitimité au pouvoir, l’Eglise doit trouver de nouveaux moyens d’expression pour recouvrir son influence dans la société



II/ Le rapprochement (1926-années 60)

1) « Le nouveau printemps » (R.Rémond) (1926-1940)

1926 : condamnation officielle de l’Action Française par le Vatican
Dvpt de la Fédération Nationale Catholique (453 conférences entre 1925 et 1927) qui fait voter en 1928 les lois sur les libertés d’enseignement et d’association
Revue Esprit, créée par Emmanuel Mounier en 1932
1926 : Jeunesse Ouvrière Chrétienne
1928 : Jeunesse Agricole Chrétienne/ Jeunesse Etudiante Chrétienne
JOC/JAC/JEC : les jeunes, tous les milieux
Ligue Ouvrière, Ligue Agricole : les adultes, tous les milieux
=> A défaut d’être au pouvoir, l’Eglise réinvestit tous les champs de l’espace social. S’appuyant sur les tensions de la période entre socialisme et libéralisme, elle propose une troisième voie.


2) L’Eglise face à Vichy

Il y a évidemment un rapprochement de l’Eglise vers le régime de Vichy et le nouvel ordre moral qu’il cherche à développer au tour des valeurs Travail Famille Patrie.
Ex : 1942 loi supprimant le délit de reconstitution de congrégation + loi permettant l’accord de subvention à l’Eglise.
Néanmoins l’Eglise reste méfiante vis-à-vis de Pétain. C’est pourquoi on ne saurait parler d’adhésion au régime de Vichy mais plutôt d’une convergence d’intérêts.
De plus, ayant pris connaissance du sort réservé au juif, nombre de catholiques entre en résistance. On citera simplement ici ce que Mgr Saliège fit lire dans toutes les paroisses toulousaines : « Les juifs sont des hommes (…) les étrangers sont des hommes (…)Tout n’est pas permis contre eux (…) Ils sont nos frères comme tant d’autres »
C’est donc un mouvement impulsé par la base des catholiques : l’Eglise n’avait pas réagi à la loi sur le statut des juifs, mais suivant l’opinion de ses fidèles et de ses « hommes de terrain », elle fit barrage à la mesure prévu par Vichy de retirer en bloc la Nationalité Française aux juifs naturalisés depuis 1927.


3) Le renouveau politique à la libération

Ce type d’action, mais surtout celle des catholiques entrés en résistance, permet une atténuation de l’anticléricalisme et même un renouveau politique
Si l’octroie de subventions concédé en 42 est à nouveau supprimé en 45, on ne touche pas au droit de congrégation, pas plus qu’au concordat rétabli en Alsace.
C’est que l’Eglise a pu se rapprocher du pouvoir via notamment l’entrée de 5 anciens de l’ACJF dans le GPRF et l’importance du MRP, de base chrétienne, dont le dvpt a été permis par la disparition de la droite traditionnelle impliqué dans Vichy, soutien habituel de l’Eglise.

Quelques lois pour cette période :
1951 : Loi Marie et Barangé (rétablissement du régime des bourses d’enseignement au système privé)
1959 : Loi Debré qui établit le régime des contrats en échange du respect des programmes officiels et du contrôle administratif, l’Etat prenant en charge le traitement des enseignants
III/ Le coup de grâce ? (Années 60 à nos jours)

Il s’agit ici d’évaluer le pouvoir de lobbying de l’Eglise sous la Vème République

1) L’Eglise en crise face à la modernité et l’Etat-Providence (années 60- années 80)

La présence de l’Eglise dans les débats de société se fait bien sentir. Néanmoins, il semblerait que, face aux aspirations nouvelles des français, l’Eglise montre un décalage et une incapacité à s’adapter. En effet, nombre de lois sur les libertés individuelles ont suscité une vive opposition de l’Eglise mais leur adoption n’a pu être remise en cause.
Ex :
1967 : loi autorisant la pilule
1974 : loi Veil autorisant l’IVG

Faiblesse de l’Eglise qui semble perdre sa place dans la société française.



2) L’Eglise peut-elle encore défier l’Etat ? (Années 80 à nos jours)


L’influence de l’Eglise n’est pas totalement nulle mais ne peut empêcher ces nouveaux choix de société s’imposer : campagne de prévention contre le SIDA malgré l’interdiction du port du préservatif prononcé par Jean Paul II, adoption du PACS malgré une Christine Boutin, pleurant à l’assemblée, la bible à la main !

Néanmoins, la question de l’Education semble encore des plus tendu. Le 24 juin 1984, un million de personnes défilent dans la rue et obtiennent le retrait de la loi Savary. Ce texte prévoyait une réforme de l’enseignement privé tel qu’il était défini par les lois Marie, Barangé et Debré pour mener à terme à un unique service public de l’enseignement.


CONCLUSION

Dès la troisième république, l’Eglise a été de fait séparé de l’Etat et écarté du pouvoir. Néanmoins elle a su reconquérir d’autres formes de pouvoir dans la société et rester un véritable groupe de pression dont l’influence, si elle semble décliner, peut toujours être sujette à une véritable… RESURRECTION !

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