dimanche 11 avril 2010

du paysan à l'agriculteur

Du paysan à l’agriculteur

Cette expression=> relative au changement opéré durant le siècle dernier dans le monde rural
Le secteur agricole : celui qui a connu le plus de changements de toutes ses composantes depuis la fin du XIXe.
En quoi la transformation du paysan en agriculteur va-t-elle révéler une rupture dans l’organisation et la vie de l’agriculture française ?
Périodisation : I- les difficultés du paysan de 1870 à la veille de la 1GM
II- 1914-1945 : la modernisation limitée du monde paysan
III- 1945 à nos jrs : rupture fondamentale => avènement de l’agriculteur : ampleur des mutations et contexte d’ouverture européenne et mondiale

1- les difficultés du paysan
Période difficile pour la paysannerie française surtout au niveau économique.
Paysans majoritaires en 1870 mais diversité des statuts (propriétaires exploitants, fermiers, métayers…)

1.1 Les facteurs de la crise
- baisse des prix => baisse des revenus des paysans ainsi que chute des rentes foncières
- fin de certaines activités agricoles du fait du progrès technique (colorants naturels remplacés par colorants chimiques par ex)
- arrivée de produits agricoles venus de pays « neufs » ou des colonies (huile des colonies, viande d’Argentine) qui concurrence les produits français et font augmenter l’offre
- crise du phylloxera : touche ensemble des vignobles français. Production même après la fin du phylloxera a du mal à repartir => révoltes importantes dans le Languedoc
-au début du siècle : prédominance des petites et moyennes exploitations ce qui explique l’importance de la polyculture et de l’archaïsme des méthodes de culture.

1.2 Réaction des paysans et de l’Etat
- polyculture abandonnée et différentes régions se spécialisent au niveau agricole. Elevage, culture maraîchère se développent.
- Vitalité démographique décline durablement (vieillissement des campagnes et dénatalité qui progresse)
- Paysans s’organisent face aux difficultés : début du syndicalisme agricole revendicatif et structuré
- Ne pouvant supporter la concurrence étrangère, Etat intervient et instaure un protectionnisme agricole pour protéger la production. Mais ce protectionnisme « anesthésie » toute modernisation éventuelle. Etat favorise l’accessibilité aux crédits des paysans.
Les conditions de vie restent très dures pour le paysan : travail long et intense, logement vétuste et inconfortable, autoconsommation avec peu de viande. Devenus plus riches depuis le début du 19e, les paysans sont vulnérables en fonction des variations des cours : c’est ainsi que l’on peut expliquer la « révolte » des viticulteurs de 1907, opposés à l’entrée des vins espagnols et algériens.

1.3 Une vie politique active
-avènement de la République : la république part à la conquête des paysans qui seuls peuvent la consolider. Rôle de l’instruction publique est déterminant dans cette conquête (école fait reculer l’analphabétisme, permet la lecture d’une presse nationale et régionale d’opinions variées…)
=> les paysans sont devenus un soutien essentiel du régime dans son aspect modéré.
-élections municipales ont définitivement ancré la vie politique dans la vie villageoise => cf Agulhon.
Paysans arrivent jusqu’à la veille de la guerre à consolider leurs intérêts au sein de la République par une vie politique active.
-recul du traditionnel individualisme paysan => constitution de coopératives laitières et viticoles permettant le soutien aux petites exploitations.

2- Une modernisation limitée du monde paysan (1914-1945)
2-1 Les ravages de la 1GM
1GM démarre en pleine moisson et atteint les paysans par l’ampleur de la mobilisation (5,2M au total).
Durée de la guerre paralyse les travaux agricoles malgré efforts des paysans qui y sont restés. Friche commence à s’installer à France aux dépens des labours. Gvt pense à l’immigration ou au recours aux contingents coloniaux=> surexcite la xénophobie chez les paysans. Beaucoup de pertes qd on fait le bilan à la fin de la guerre : près de 700 000 morts, 500 000 invalides, 3 millions d’hectares ravagés. Pour les paysans survivants : enrichissement évident : hausse des prix, versement de pensions…
2-2 Un difficile passage du paysan à l’agriculteur
-modernisations et améliorations « grâce » à la 1GM :
-dettes annulées pour les paysans grâce à l’inflation, bien être progresse, accession à la propriété. Mécanisation : productivité s’améliore : charrues automobiles ou spécialisées, machines spécifiques importées des USA.
- électrification des campagnes (85% en 1939), eau courante, campagnes desservies par les bus)
Limites : dans les régions du Sud et ds certaines du Nord de la France, les paysans qui sont vieux ou les femmes ne peuvent faire face aux tâches de la remise en état et du redémarrage des campagnes qui sont alors abandonnées. Immigrants belges, espagnols, italiens remplacent les paysans français de naguère.
Seule une minorité de paysans qui en ont les moyens utilise les engrais et mécanise leurs exploitations.
Toujours majorité de petites exploitations même si début de concentration foncière (exploitations agricoles qui emploient plus de 20 salariés augmentent sensiblement)
Paysans empruntent des sommes de plus en plus importantes mais il s’agit surtout de ceux qui offrent des garanties cad les grands propriétaires.
Cependant, on observe, parallèlement à cette modernisation de la vie et de l’organisation paysannes, une accélération de l’exode rural.
-Etat met en œuvres des réformes pour retenir les paysans : baisses d’impôt, création de la Caisse Nationale du Crédit Agricole. Mentalités paysannes évoluent à travers le syndicalisme agricole. La Jeunesse Agricole Catholique veut à partir de 1929 mettre à parité le monde paysan et le reste de la société tout en recherchant la modernisation de l’agriculture française.
Mais fin années 20 : difficultés de la modernisation du monde paysan. Baisse prix agricole, surendettement. Gvt ne peut éviter l’impact de la crise générale et l’amputation du revenu agricole de 24% en 5ans.
Certes le Front Populaire et Monnet (son ministre) organisent un « office du blé » pr contrôler le marché et instituer un prix minimum. Mais les paysans ne bénéficient pas des avantages accordés aux ouvriers comme les congés payés.
 Malaise paysan subsiste comme le prouve l’action d’un « parti agraire et paysan » qui, sous la direction de Dorgères, organise des manifestations importantes. Le passage à l’agriculteur reste donc difficile

2-3 Un repli sur soi des paysans pendant la 2GM
1939 : paysans face à une économie stagnante et presque paralysée
Dès son arrivée Pétain, avec la Révo nationale, va prôner un retour à la terre. Pourtant 2GM va constituer de nouveau une lourde épreuve pour les paysans : la modernisation va être mise entre parenthèses. 2 M de paysans mobilisés, 1 M de prisonniers après la défaite. Réticences paysannes progressent avec un repli sur eux-mêmes ponctué par le développement de l’ « appât du gain et du marché noir ». Mais production nationale progresse dés 1941 grâce à effort important des producteurs aidés par le gvt au niveau du crédit notamment.
Mentalité paysanne évolue avec non seulement l’espoir de la libération mais aussi au retour des STO et des prisonniers qui constatent la situation agricole après la guerre.

3- Rupture : L’avènement de l’agriculteur du fait de mutations et du contexte d’ouverture européenne et mondiale (1945-90’s)
3-1 Des conséquences durables de la 2GM sur le monde paysan
Rationnement perdure jusqu’en 1949, aggravé par série de mauvaises récoltes qui accentue la hausse des prix de base. Jean Monnet en préparant son 1er plan de modernisation pense à programmer une agriculture moderne et surtout mécanisée.
Fin des années 40 : paysans présentent encore une figure archaïque sur laquelle se penchent de nbrx observateurs. Les paysans représentent 1/3 des actifs et pratiquent toujours la polyculture pour l’autoconsommation avec moins de 100 000 tracteurs. Vers 1950, J Sorlin décrivait ainsi la réalité paysanne : « une vie difficile, un travail pénible, un rendement financier médiocre, le tableau des campagnes est peu encourageant ».
C’est ce monde qui va connaître la mutation la plus impressionnante de tte son histoire en 4 décennies.

3-2 Une véritable « Révolution silencieuse » : une nouvelle figure apparaît : l’agriculteur
Agriculteurs ne représentent plus que 5% des actifs => sont même minoritaires dans le monde rural. Cette minorité socio-professionnelle présente un nouveau visage : augmentation tps de L « en famille », réduction rôle des conjointes… Or ces travailleurs moins nbrx doivent satisfaire les besoins d’une population touchée par le baby boom et fournir des produits croissants à l’exportation. Pour cela=> modernisation diversifiée et coûteuse : mécanisation, chimisation et introduction de méthodes scientifiques de plus en plus spécialisées. Dvlpt des tracteurs (plus de 1,5 M ds les années 80), des moissonneuses.
Consommation d’engrais azotés quintuple en 30 ans, de pesticides (malgré dangers annoncés), nouvelles espèces crées après modifications génétiques (maïs, tomates), insémination artificielle se généralise. Système productiviste se généralise à un rythme croissant : si un paysan pouvait nourrir 10 personnes en 1939, un agriculteur en nourrit 40 au début des années 90.
Pour permettre aux jeunes générations de développer cet idéal de progrès, Etat incite les paysans âgés à prendre leur retraite grâce à l’indemnité viagère de départ. En même temps, l’agriculteur doit investir pour acheter le matériel ou la terre, le Crédit Agricole devient la banque des « nouveaux paysans ».
Agriculteur devient technicien et en même tps gestionnaire car il est intégré au domaine agro-alimentaire. Par cette concentration et cette spécialisation contemporaines, un nouveau paysage agricole apparaît.
Délocalisation à l’intérieur du territoire national en faveur des 10 ppx départements tous situés au Nord d’une ligne Nantes-Strasbourg.
Politisation croissante des agriculteurs et poids de cet électorat traditionnellement modéré (CNJA, MODEF communiste,…)
Depuis la PAC : le cadre agricole s’est élargi à l’Europe. Suite à la crise agricole, changement de politique à Bruxelles : quotas (lait, vin) ds les années 80 et mises en jachère ds les années 90 => productivisme initial est fondamentalement remis en cause.

3-3 Une diversification des situations : une redéfinition du rôle de l’agriculteur ?
Par delà une homogénéité d’origine, on peut constater une diversité de revenus et de situation. Niveau de vie des agriculteurs selon l’INSEE de la moyenne nationale avec une disparité certaine ds les années 90. Côté logement : rattrapage avec dvlpt équipements ménagers et automobile. Structure des dépenses tend à se rapprocher de celle des autres ménages français. Mais le mode de vie oppose l’agriculteur céréalier de Beauce et le petit exploitant du Massif Central.
Entrepreneur agricole préoccupé par le management n’est plus majoritaire dans son monde rural car d’autres fonctions sont assignées à la campagne : tourisme vert, …Des services réapparaissent pr satisfaire les besoins des retraités ou des citadins préférant quitter la résidence urbaine.
=> nécessaire de redéfinir l’identité et la fonction paysannes alors que la marginalisation sociale et économique ne cesse d’augmenter. La « déprise » agricole est d’autant plus mal ressentie que l’on peut y voir le point de départ d’un retour du terroir à la friche.
L’agriculteur qui a du intégrer le choc de la modernisation et du productivisme doit-il encore se dépasser ? Alors qu’on réduit sa fonction de production, on lui assigne celle de gardien du patrimoine, de « jardinier de l’espace rural ». C’est ainsi que l’Europe subventionne les agriculteurs qui portent le moins atteinte à l’environnement.

Ccl : le passage du paysan à l’agriculteur ne s’est donc pas fait sans aléas (la modernisation du monde rural a été maintes fois remise en cause et s’est souvent trouvée limitée par de nbrx facteurs). Mais après la 2GM, il y a eu une véritable transformation du statut de paysan à celui d’agriculteur du fait notamment de l’ouverture européenne et mondiale. Cependant, ces agriculteurs dont le nombre a fondu, sont inquiets face à un avenir où leur place est loin d’être précisée avec un contexte européen et mondial sur lesquels ils n’ont pas de prise. Passera-t-on des agriculteurs aux « nouveaux paysans » rescapés ?

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