dimanche 11 avril 2010

L'armée dans la République 1870 à nos jours

«Le premier qui fut roi fut un soldat heureux. »→ aphorisme voltairien, le monarque tend à s'entourer de ses lieutenants, à leur conférer charges et privilèges et à créer ainsi une noblesse militaire, c'est marquer la connivence entre le pouvoir et l'armée. Connivence ou rivalité. Tantôt le corps militaire est le gardien de la souveraineté, tantôt, disposant de toute la force de l'État, il se pose en concurrent, prêt à abuser de ses armes et à les tourner contre celui qui les lui a confiées. L'armée est, comme l'Église, une institution-mythe: on peut la « professionnaliser », l'adapter au modernisme, on ne peut jamais tout à fait la banaliser ni la considérer comme un simple service public. Face-à-face difficile avec la société, elle est « l'expression la plus complète de son esprit », écrit de Gaulle dans Le Fil de l'épée. L'armée n'en garde pas moins une autonomie, une spécificité, une « grammaire » propre, différente souvent de la logique commune.


1. 1870-1919 Modernité et intégration à la République,

1.1 L'armée frçaise sur la voie de la modernité.

*L’humiliation de 1871: Prise de l’Alsace-Lorraine en échange d’une évacuation du territoire. France humiliée. Les faiblesses:
-pas prête pour faire la guerre,elle ne pouvait aligner que 300.000 hommes
-le corps des stratèges, n’existe pas de manière permanente en 1870.
*La transition matérielle (1880-1905). Il fallait changer l’image et la réputation du soldat qui avaient été quelque peu entachées par la défaite de 1870. Certains diront qu’en 1914 le fantassin français était un copie-conforme de son prédécesseur de 1870, néanmoins des améliorations:
-1886, le fusil Lebel,
-le système du canon à frein hydraulique fit son apparition en Fr. La meilleure arme que possédait l’armée frçse en 1914.
L’armée s’était engagée sur la voie de la modernité : nouveaux canons, nouveaux fusils, nouvelles mitrailleuses, etc. Pourtant, cette armée en voie de modernisation sensible, paraît aujourd'hui avoir été commandée par des esprits encore prisonniers de la mentalité du XIXe siècle.
* Après 1870 se profile l'idée de « revanche » : l'armée est sacrée, autour d' elle s'ordonnent, pour un temps, toutes les réformes, tous les efforts et toutes les pensées,pression sociale renforce aussi bien la structure que la détermination des armées.

1.2 Les fonctions de souveraineté et d'intégration, de l'armée.

-La fonction de souveraineté + d'intégration → stabilisation de l'État et de la nation. Intégration limitée avec les armées professionnelles, mais explicite avec la conscription : comment omettre le rôle unificateur joué par le service militaire, aux côtés de l'école de Jules Ferry, sous la IIIe République ?

-la proximité armée/vie politique (Ministre de la Guerre, des hommes de l'armée comme le général Boulanger) : rend possible le passage de l'un à l'autre, quand la République semble usé, que le mécontentemnt gronde l'armée semble représenter un nveau souffle ds un contexte où le nationalisme promotionne des « valeurs nationales »→ boulangisme.

-l'affaire Dreyfus crise de la Rep, qui met en relief les fonctions symboliques de l'armée comme garant de la cohésion nationale face à « l'étranger ».
1.3 L'épreuve de la 1GM.

-dirigée par un ministre généralement pris dans ses rangs, elle peut peser sur le gouv. Les militaires ont pour eux non seulement la notoriété, mais la rectitude et la compétence, orchestrées légitimement par une propagande; les politiciens, quant à eux, sont timides et gênés dans un domaine qui n'est pas le leur.

-Fonction de sacralisation, née du mythe guerrier. Exaltation du sacrifice suprême, culte des héros universellement célébré..., il s'agit là, en réalité, de moyens propres à sacraliser l'esprit de communauté. D'autant que le caractère sacré que la mort confère au guerrier n'a pas pour seul effet de le magnifier. Il a une incidence collective : en suscitant le culte du souvenir peu à peu mis en légende, il sécrète les traditions et donne au corps militaire une autre caractéristique : la mémoire historique.


2. 1919-1940 :un apogée paradoxal

2.1. L'apogée de la société militaire

*Prestige de la victoire de 1918. Prestige qui rejaillit:
- sur les « grands chefs» (Pétain, Foch, Joffre, Lyautey) élevés au rang de gloires nationales et qui jouent un rôle politique important pdt cette période.
- sur les simples soldats (cf. l'installation du tombeau du Soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe)
Entre l'armée et la nation, après les traumatismes du boulangisme et de l'affaire Dreyfus, c'est de nouveau le mariage d'amour.

*De fait, la société militaire se tient en retrait des terribles luttes politiques des années 1930, n'a jamais autant mérité son surnom de « grande muette ».

*Enfin, le monde colonial continue d'offrir aux militaires l'espoir de brillantes carrières et à l'imaginaire collectif un stock inépuisable d'images aussi exotiques qu'enthousiasmantes

2.2 L'attachement à une doctrine dépassée

Prtt, cette armée chargée de gloire se fige sur le plan de la doctrine et, en 1940, se retrouve balayée dans l'une des plus incroyables déroutes militaires de l'histoire.
Cette « ossification» intellectuelle résulte:
-du traumatisme de la 1GM, pacifisme, mythe rassurant de la« ligne Maginot».
-chefs militaires vieillis s'accrochent à une stratégie défensive.

DG, Vers l'armée de métier, prône un retour à l'offensive. Pas écouté. Un succès, cpdt: la remarquable modernisation de la flotte réalisée par l'équipe de Darlan. L'opinion, peu au fait des réalités militaires, n'a pas conscience de l'affaiblissement. Le réveil n'en sera que plus douloureux.



2.3. L'armée dans la tempête

1940, en quelques semaines, l'armée frçse écrasée. Paradoxalement, c'est le moment où les chefs militaires sortent de leur silence et interviennent sur la scène politique Les principaux chefs militaires (Weygand, Darlan, Pétain) penchent pour la solution de l'armistice, car
- souci de préserver l'honneur de l'armée;
- certitude que l'Allemagne a gagné la guerre;
- obsession d'éviter des débordements communistes;
- sauver ce qui peut encore l'être.
Revanche pour l'Allemagne sur le traité de Versailles de 1919, l'armistice du 22 juin 1940 limite l'armée française à 100 000 hommes et la prive de l'utilisation effective de sa flotte.

Les officiers, dans leur immense majorité, acceptent l'ordre vichyssois, ce qui souligne a posteriori les limites du ralliement à la République de l'entre-deux-guerres.
Jamais l'armée n'a été aussi présente dans la vie sociale (nbreuses organisations), morale et politique que sous Vichy alors qu'elle est vaincue et qu'elle n'existe pratiquement plus en tant que telle (officiellement dissoute au début de 1943). Seuls de très rares officiers désobéissent et rejoignent la «dissidence» gaulliste,

Au sein des FFL, une nouvelle armée prend naissance. Une génération de jeunes et brillants officiers (Leclerc, de Lattre, Juin, Kœnig) naît sur les ruines de la défaite. Un esprit nouveau souffle sur l'armée, dorénavant éprise de modernité, d'audace, d'initiative.


2.4 Une armée sous influence

« L'armée de l'armistice» de Vichy: contrôlée par les Allemands et soumise aux conditions draconiennes de l'armistice.L'armée de la France libre, puis du CFLN est tout aussi soumise. Les FFL sont intégrées aux forces britanniques et l'armée que les Américains reconstituent en Algérie, en 1943-1944, est intégrée dans les forces alliées. La fameuse 2e DB de Leclerc, elle-même intégrée à la une Armée américaine. Il faut l'intervention personnelle de de Gaulle pour obtenir qu'elle entre dans Paris la première en août 1944.

Après la Libération, en raison de la guerre froide, l'armée française reconstituée est placée sous direction américaine dans le cadre de l'OTAN. La crise peu glorieuse de la CED, le financement américain de la guerre d'Indochine et l'humiliation de Suez démontrent les limites de l'indépendance française.



3. Depuis 1940: le consensus gaullien et sa remise en cause


3.1 Les décolonisations

À peine sortie du traumatisme de la 2GM, l'armée est plongée dans la fournaise des guerres coloniales. Celles-ci (Indochine, Algérie) provoquent de nouvelles fractures. Les fragiles gouvernements de la IVe République prennent la dangereuse habitude de se décharger sur l'armée de missions politiques (cf. les pleins pouvoirs accordés à l'armée en Algérie en mars 1956). Certains officiers se détachent alors progressivement d'un gouvernement parisien jugé lointain, faible et lâche (cf. Suez). Pour toute une génération d'officiers, le respect de l'honneur et de la parole donnée, le sentiment d'une mission à accomplir (en Algérie) et le souci de rétablir la fierté de l'armée par une victoire (après le nouveau désastre de Diên Biên Phu) vont passer avant le respect dû aux institutions républicaines (cf. le 13 mai 1958).

Une grande partie de la gauche se détache alors à nouveau de l'armée qu'elle accuse (à juste titre) de pratiquer la torture en Algérie et dans laquelle, après mai 1958, elle n'hésite plus à voir une menace quasiment fasciste contre les institutions démocratiques. En 1958-1962, la France est pratiquement revenue au temps de l'affaire Dreyfus.

Pourtant, dans le même temps, l'armée se démocratise. Les appelés du contingent n'acceptent plus sans broncher des ordres parfois contraires à l'esprit républicain. L'échec du putsch des généraux (avril 1961) le démontrt: obéissant à DG, l'écrasante majorité des soldats du contingent refuse de suivre les généraux putschistes.


3.2 La refondation d'un outil militaire

DG, en 1958, hérite d'une armée qu'il juge dépassée: tournée vers guerres coloniales, alors que, selon lui, l'avenir se joue en Europe; elle ne dispose pas de l'arme nucléaire, condition impérative, selon de Gaulle, pour peser dans l'équilibre mondial des forces.

DGmène donc une profonde refonte de l'armée française:

- d'abord par une sévère épuration politique des cadres militaires après les événements d'Algérie
- ensuite par la construction, malgré l'hostilité des États-Unis, d'une force nucléaire indépendante
- enfin, par la révision complète de la doctrine militaire française: celle-ci est désormais fondée sur la dissuasion nucléaire et l'indépendance nationale (retrait de l'OTAN en 1966).

Si, dans un 1er tps, cette nvelle stratégie reçoit un accueil mitigé des Frçs et de la classe politique , elle devient peu à peu, ds 70's , un élt de consensus national. En 1974-1977, le PCF et le nouveau PS se rallient à la force de frappe ainsi qu'au concept de « dissuasion tous azimuts du faible au fort ». Longtemps source de divisions entre les Français (affaire Dreyfus, Vichy, guerres coloniales), l'armée apparaît, lorsque F. Mitterrand accède au pouvoir, comme un élément de consensus. Pour autant la nation se reconnaît-elle vraiment dans son armée?


3.3 L'armée aujourd'hui

À l'âge des armes ultra-sophistiquées et des bouleversements géostratégiques imposés par la fin de la guerre froide, l'armée est au centre de nouvelles interrogations. Depuis son élection en 1995, J. Chirac, a engagé l'armée française dans la voie d'une réforme dont l'ampleur paraît sans précédent.

• Les révisions doctrinales

Le divorce avec l'OTAN est-il toujours pertinent alors que celle-ci est appelée, pour longtemps encore, à assurer la défense de l'Europe et que ses missions, après l'écroulement du bloc soviétique, se multiplient et se diversifient (cf Yougoslavie) ? C'est l'analyse de J. Chirac qui décide, en 1996, d'associer de nouveau la France aux travaux du comité militaire de l'OTAN.

Plus profondément, n'y a-t-il pas lieu de réviser l'ensemble de la stratégie? La dissuasion est-elle toujours adaptée aux nouvelles menaces (le terrorisme) ? Y a-t-il lieu de l'étendre à nos partenaires européens (cf. la création, en 1985, de « l'Eurocorps », embryon d'une future armée franco-allemande, voire européenne) ?

Frce semble s'orienter vers le maintien de la primauté de la dissuasion nucléaire, tout en diminuant la part relative de celle-ci dans l'ensemble de ses forces. Pour la première fois depuis la création de la force de frappe, les crédits affectés à l'arme nucléaire ont diminué en 1995 et décision a été prise de désactiver le site du plateau d'Albion.

• Les révisions politiques

Le service national, longtemps symbole du mariage entre l'armée et la nation, est appelé à disparaître (décision de J. Chirac de 1995). Plusieurs motivations:
-caractère conflits modernes + maniement d'armes très sophistiquées,
-service national, depuis une vingtaine d'années, ne remplissait plus sa mission politique et sociale. Par tout un jeu d'exemptions et de privilèges,.

Disparition du service national + création d'une armée professionnalisée, soulèvent un évident problème politique → professionnels « prestataires de service» dans un domaine essentiel à la vie du pays. A terme, le risque d'un désintérêt et d'un renoncement du citoyen à la défense de la nation.

• Les révisions identitaires

La multiplication des missions humanitaires de l'armée, en particulier dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l'ONU, soulève des interrogations qui renvoient à la définition même de la mission de l'armée. De toute évidence, l'armée française n'est plus, aujourd'hui, uniquement engagée dans la défense du territoire national.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire