dimanche 11 avril 2010

La politique extérieure de De Gaulle

De Gaulle et la place de la France dans le monde

1. « Une certaine idée de la France»

1.1. Un nationalisme nourri par l'histoire

Le père de DG = prof d'histoire. DG lui-même était passionné d'histoire et avait été fortement influencé par ses lectures historiques. Il en résulte un nationalisme hanté par les idées de grandeur, de rang et de mission de la France.

1.2. Un nationalisme syncrétique

La pensée de DG se nourrit à des sources fort diverses: il y a du Maurras (par la rigueur de la pensée et par l'attachement à certaines traditions), du Barrès (par l'exaltation de la terre et de la volonté), du Péguy (par le lyrisme et la ferveur), du Michelet (par la foi dans la destinée éminente du pays et l'acceptation de l'unité de l'histoire de France, par-delà les contingences des régimes politiques).

Se dégage, déjà avt la 2GM, un nationalisme de synthèse. A la différence de Maurras, DG accepte l'histoire de France comme un bloc indivisible: les soldats de l'An II au même titre que Jeanne d'Arc ont été les artisans de la grandeur française.

D'où la puissance de ce nationalisme, susceptible de séduire une très large majorité de Français en proposant une conciliation inédite entre l'attachement viscéral à la terre, aux traditions et aux morts (qui fonde un nationalisme de droite, présent, par exemple, chez Maurras ou, sous une forme différente, chez Pétain) et la proclamation de la mission universelle de la France (qui irrigue le nationalisme de gauche dans la tradition des Lumières, de la Révolution ou des pères fondateurs de la me République).

1.3. Un nationalisme de circonstance

DG = homme de son tps et dc le produit d'une époque et d'un milieu. Il est né en 1890, dans une famille catholique, noble et farouchement patriote (le souvenir cruel de la défaite de 1870 demeure très fort chez ses parents). Après avoir été élevé dans le culte de la Revanche et avoir presque logiquement choisi d'épouser une carrière militaire, il subit l'enfer de la 1GM. En 1940, il a 50 ans et, du point de vue de la formation personnelle, l'essentiel est achevé.

En outre, DG a, été fortement marqué par ses déboires des années 1930 et par les refus répétés de l'Etat-Major de prendre en compte ses théories novatrices. La 2GM achève de transformer en dissident le jeune officier qui a déjà rompu avec Pétain au milieu des années 1930. Le nationalisme gaullien s'enrichit ici d'une touche de romantisme qui fera beaucoup pour son succès: de Gaulle avant d'être le Père de la nation, a été tout à la fois un « rebelle» et le capitaine qui s'est révélé dans la tempête.

Enfin, l'homme de la maturité et de la vieillesse (le président de la V Rép) dut assumer les conséquences de la décolonisation et du déclin relatif de la France.

En un mot, les circonstances historiques ont fortement influé sur la formation et l'évolution du nationalisme gaullien.

On peut, dès lors, s'interroger sur la signification de ce nationalisme. Il est singulier d'observer que c'est au moment (années 1950-1960) où la France perd son Empire, après avoir connu l'humiliation de la défaite de 1940, que DG vient parler de grandeur aux Français → faire oublier aux Frçs leur déclin relatif et les persuader qu'ils forment toujours un grand peuple. La force du nationalisme gaullien repose en grande partie sur la force de son verbe. Qui, mieux que de Gaulle, mythe national de son vivant, pouvait assumer cette fonction?


Il. L'indépendance de la France

2. 1. Le gaullisme de guerre et de l'époque du RPF

Durant la guerre, DG doit lutter contre les Alliés, en particulier contre les Américains, pour obtenir la reconnaissance diplomatique de la France libre.

Les ambitions gaulliennes connaissent un demi-succès à la Libération: un gouvernement provisoire, le GPRF, finit par être constitué à Alger (mais il n'est reconnu par les Alliés qu'en octobre 1944), la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et puissance occupante en Allemagne et, le 8 mai 1945, elle reçoit la capitulation du Ille Reich. Cependant, la France n'est pas invitée à Yalta ni à Potsdam.

Plus généralement, les ambitions extérieures de DG buttent sur les faibles moyens de la France de la Libération et sur les réalités du nouvel ordre mondial. Au reste, les aspirations gaulliennes à la grandeur ne reçoivent que des échos limités de la part d'une opinion d'une classe politique française qui aspirent avant tout à la mise en œuvre de grandes réformes intérieures. De fait, la France doit « rentrer dans le rang» et l'Empire demeure alors pour elle, et pour DG, le seul marchepied vers la grandeur.

Au temps de la guerre froide et du RPF, DG mène farouchement campagne contre la sujétion de la France au sein de l'Alliance atlantique. Son opposition se focalise sur la question de la CED, symbole, à ses yeux, de la soumission de la France am intérêts stratégiques américains2.



2.2. La Ve République: redéfinir les rapports avec les Alliés

DG n'est pas hostile à l'alliance américaine. → crise de Berlin 1961 puis Cuba 1962 et DG s'affirme comme le plus fidèle des alliés. Ce que DG condamne c'est la coupure de l'Europe imposée par les 2 Grands et la prétention des Américains à diriger seuls l'Alliance atlantique. Le désir de DG = obtenir des Américains qu'ils conçoivent leurs rapports avec la France sur un strict pied d'égalité, y compris dans le domaine nucléaire.

En outre, le contexte géostratégique a changé depuis l'époque de la GF → accession des Soviétiques à la parité nucléaire. La diplomatie gaullienne s'inscrit donc dans le contexte de la « crise de l'Alliance atlantique» des années 1960: les Etats-Unis sont-ils prêts à prendre des risques nucléaires pour sauve l'Europe de l'Ouest en cas d'agression soviétique?


Le refus des Américains d'octroyer de réelles concessions, conduit DG à des attitudes de + en + rigides:
-1960, ds désert algérien, explose la première bombe atomique française;
-1964, le premier escadron de Mirage IV est opérationnel;
-1968, la France maîtrise la technologie thermonucléaire (bombe H).
France se retire de la structure militaire de l'OTAN (1966), tout en demeurant, sur le plan politique, membre de l'Alliance atlantique.

Enfin, ds la seconde moitié des années 1960, DG n'hésite pas à adopter des attitudes jugées provocatrices à leur égard par les Américains:
-discours de Mexico (1964) aux relents tiers-mondistes et anti-impérialistes ;
-discours de Phnom Penh (1966)
-discours de Québec (1967)
Volonté de lutter contre la logique des blocs, DG tente une ouverture à l'Est. Il reconnaît la Chine populaire de Mao en 1964. Il effectue une série de voyages en URSS (1966), en Pologne (1967) et en Roumanie (1968) où, partout, il célèbre l'indépendance nationale. En un sens, le discours de Varsovie répond à celui de Mexico.

2.3. Une certaine idée de l'Europe

Une Europe unie et forte offrirait à la puissance moyenne qu'est devenue la Frce un tremplin politique inespéré. DG n'est donc pas antieuropéen, mais il développe une conception de l'Europe qui lui est propre: «l' Europe des nations », une Europe forte qui respecte l'indépendance de ses membres. A plus long terme, le concept d'une « Europe de l'Atlantique à l'Oural» a pour but de montrer que la division du Vieux Continent en deux blocs, héritage de la guerre, est artificielle (car elle tourne le dos à la seule réalité historique qui vaille selon de Gaulle: les nations) et historiquement appelée à disparaître.

Cette conception conduira la France à affronter ses partenaires européens, Allemands y compris,fortement attachés à la fois au fédéralisme et au maintien de liens très étroits avec les Etats-Unis.




III. La grandeur de la France

3.1. La France libre, expression de la vraie France
La France libre repose sur un postulat politique fondamental : la vraie France est celle qui ne se rend pas. En ce sens, Vichy n'est pas la France et son vrai crime ne réside pas dans le vote antirépublicain du 10 juillet , mais dans la signature de « l'abominable armistice» du 22 juin.

Le refus définitif de reconnaître « le prétendu Etat français de Vichy » aura des conséquences politiques profondes et durables. La IVe et, plus encore, la Ve République refuseront d'admettre le caractère « français» de Vichy → 26 août 1944, dans Paris libéré, DG refuse de céder aux instances du CNR et de proclamer le rétablissement de la République: réfugiée d'abord à Londres, puis à Alger, la République n'a jamais disparu et n'a pas à être de nouveau proclamée. Vichy n'est qu'une monstrueuse parenthèse dans l'histoire de France. On comprend mieux ainsi les raisons qui ont longtemps poussé les IVe et ve Républiques à refuser d'admettre la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs pdt la 2GM.

3. 2. Le message de la France

Pr DG, si la Frce ne peut plus, par sa seule puissance, occuper le rang qui fut le sien dans le passé, elle peut encore, par la force et l'originalité de son message, exercer un magistère mondial. DG s'efforce de défendre et de diffuser le message universel de la France qui doit associer aux grands idéaux de 1789 le respect sourcilleux des indépendances nationales. C'est sans doute sur ce point que le discours gaullien parvient le mieux à conjuguer la prétention à l'universalité et la défense de l'idée de nation.

Le message gaullien s'adresse d'abord aux pays les plus pauvres, au Tiers-Monde .Au lendemain de la décolonisation, DG engage la France dans une, grande politique de « coopération» avec les anciennes possessions africaines. A des Français d'ailleurs dubitatifs, il s'efforce de présenter cette politique comme le nouveau «grand dessein» de la France.

Dans ces conditions, tout peut et tout doit contribuer à la grandeur et au rang de la France. La ve République gaullienne n'hésite pas à célébrer ses réussites technologiques (la force de frappe, le Concorde), culturelles (Malraux jouant ici un rôle très précieux), scientifiques (attribution du prix Nobel de médecine à cinq chercheurs français en 1965) et même sportives (l'organisation des Jeux olympiques à Grenoble, en 1968, et les victoires du skieur Killy sont savamment exploitées).


3.3. La décolonisation: grandeur ou décadence?

Le pb est d'autant plus redoutable que le « premier DG» (celui de la 2GM et de l'immédiat après-guerre) adopte des positions très prudentes en matière de décolonisation. En 1940, encore en 1945, il estime que l'Empire constitue pour la France la seule chance de jouer un rôle mondial . Il reconnaît, certes, l'impérieuse nécessité d'engager des réformes, mais précisément de façon à renforcer les liens avec la France. La conférence de Brazzaville (janvier-février 1944), abusivement présentée après coup par les gaullistes comme ayant ouvert l'ère de la décolonisation, traduit cette volonté qui accouche, en 1946, de l'Union française.

Il comprend, à la fin des années 1950, que le temps des empires coloniaux est révolu et il perçoit la contradiction qu'il y aurait à fonder la diplomatie française sur l'idée d'indépendance nationale. En outre, le maintien de l'Empire, par son coût économique, contredit la volonté de grandeur.

Précisément, reste le terrible cas algérien. Dans un premier temps (1958-1959), de Gaulle croit à la possibilité d'une association qui sauverait les intérêts français . Mais, rapidement, de Gaulle se persuade que tout autant la grandeur que la stabilité de la France exigent la fin la plus rapide possible du conflit. La prolongation de la guerre coûte une fortune, ruine l'image de la France auprès du Tiers-Monde et, par le déchaînement des passions qu'elle entraîne , elle menace jusqu'aux institutions de la Ve République, condition première, selon de Gaulle, de toute politique extérieure de grandeur.

De fait, le rapprochement avec le Tiers-Monde (exception faite de l'Afrique noire francophone) se limite à des discours, la France interfère peu dans le dialogue américano-soviétique et, en Europe même, l'intervention soviétique à Prague (août 1968) brise, à court terme, les espoirs gaulliens d'un desserrement des blocs. Bien plus, la percée décisive à l'Est est réalisée, au début des années 1970, par la diplomatie ouest-allemande (Ostpolitik).

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