lundi 31 mai 2010

LES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875


Pas de constitution pour la IIIe République. Depuis 1870, plusieurs lois ont été votées pour définir les institutions provisoires du régime. Mais ce sont les lois constitutionnelles (ou lois organiques) qui réellement consacrent la IIIe.

Ces lois constitutionnelles sont au nombre de 3 :

· Loi du 24 fevrier sur la question du Sénat

· Loi du 25 fevrier relative à l’organisation des pouvoirs publics.

· Loi du 16 juillet sur les relations entre les pouvoirs publics.


-> Dans quelle mesure l’adoption des lois constitutionnelles constitue un double paradoxe, d’une part parce qu’elles instaurent un régime orléaniste alors qu’elles sont supposées républicaines, d’autre part parce qu’elles amorcent néanmoins la conquete de la rep par les républicains?

(oui bon une pbtique un peu longue, mais on travaille dans l’urgence alors hein..)



1. LE CONTEXTE : LE RAPPROCHEMENT DES CENTRES

1.1) L’évolution politique

· L’évolution parlementaire

-La division des droites

depuis l’échec de la restauration (1874), les courants de droite se divisent : cet échec est imputé par les uns aux autres, et réciproquement.

-Le ralliement des gauches

importance de Gambetta, qui prône l’opportunisme. Les républicains abandonnent en fait par le vote de ces lois leur programme, leurs principes.

-La seule opposition est composée d’une minorité de gauche : Jules Grévy, Louis Blanc, Edgar Quinet, Alphonse Peyrat.

· L’opinion publique

Depuis les élections partielles, défavorables aux royalistes, se fait sentir une évolution de l’opinion publique. Depuis 1873, ils n’ont cessé de perdre des voix, au profit des bonapartistes ou des républicains.

1.2) L’amendement Wallon

Il est nécessaire de mentionner l’amendement Wallon pour comprendre le processus qui mène à l’adoption des lois constitutionnelles.

Adopté le 30 janvier 1875, il introduit le terme de « Président du Régime », et définit le mode d’élection de ce dernier, ce qui traduit désormais l'ancrage de la République dans les esprits.

Cet amendement ne représente aucunement une définition du régime lui-même ou une nouvelle proclamation ; il laisse aux représentants du centre l’occasion de se déterminer sans se renier. Il est adopté grâce aux voix républicaines, ainsi qu’une partie de celle du Centre droit orléaniste, inquiet de la prolongation d’un régime provisoire.

Cet amendement ne fait pas consensus, il est adopté à une voix de majorité !

Le texte de cet amendement sera repris tel quel dans la loi du 25 fevrier.

1.3) Le vote des lois : un compromis

· Le caractère d’ensemble des lois organiques

Les textes sont courts (au total, 34 articles, tenant sur 4 pages imprimées), nets. Pas de préambule. Le mot de République n’est utilisé que lorsqu’il s’agit du président… Cette présentation traduit déjà la volonté d’instaurer par ces lois un régime susceptible d’être facilement modifié.

· Un compromis

Les trois lois signent l’avènement :

-du bicamérisme, ce qui est contraire au idéaux républicains. Il est voulu par les monarchistes, pour faire contrepoids au suffrage universel.

-de l’existence d’un président, idée elle aussi contraire aux principes des Républicains, favorables traditionnellement à un exécutif collégial (défendu par Grévy en 1848)

Mais ici la concession est double : les républicains acceptent le président, les orléanistes concèdent le titre de Président de la République (ref explicite à un régime qu’ils refusent).

Chaque groupe espérait réviser ces lois une fois au pouvoir.

2. LE SYSTEME MIS EN PLACE

2.1) L’exécutif

· Le président de la république

Il est élu par le Sénat et la Chambre des députés pour 7 ans, et indéfiniment rééligible.

Ses pouvoirs sont étendus : il a l’initiative des lois, concurremment avec les Chambres : il n’y a donc pas de réelle séparation des pouvoirs. Le président exerce un large contrôle sur les Assemblées : il peut clore leurs sessions, les convoquer, les ajourner. De plus, il dispose du droit de dissolution, c’est-à-dire qu’il peut à tout moment passer outre l’avis de la majorité de la Chambre, et s’en remettre à l’avis du pays. Enfin, c’est lui qui nomme les gens aux emplois civils et militaires ; il peut aussi user du droit de grâce à son rôle ressemble à celui d’un monarque constitutionnel.

Ces mesures sont naturellement de nature à effrayer les républicains…

Selon R. Rémond , « le président de 1875 c’est le roi de la Charte de 1830 (…) C’est un monarque sans l’hérédité »

· Les ministres

Rien n’est dit dans les textes sur le « président du conseil » , ce qui renforce le poids du président, qui nomme donc les ministres.

Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres, ce qui constitue à la fois une concession aux républicains, un signe du contrôle par le Parlement, et de la solidarité ministérielle.

2.2) Le législatif

· Le Sénat

La loi du 24 fevrier est entierement consacrée à la Chambre Haute.

Pour les monarchistes, le Sénat est la garantie du caractère conservateur du régime.

La loi du 24 fevrier le compose de 300 membres, 225 étant élus au suffrage indirect par les départements, et 75 par l’Assemblée Nationale d’alors. Incontestablement, les lois organiques confèrent un caractère prépondérant au Sénat. Les moindres détails sont donnés dans les lois, qui vont même jusqu’à fixer la répartition des sièges entre les départements (celle-ci assure la prédominances des campagnes).

· La Chambre des Députés

Mentionnée dans seulement quelques articles. Si les prérogatives du Président et du Sénat permettaient une certaine analogie avec la monarchie constitutionnelle, une innovation interdit cependant de pousser le rapprochement plus avant : cette seconde Chambre est désormais élue au suffrage universel.

Les lois constitutionnelles scellent le parlementarisme en France.

2.3) Un régime orléaniste

La constitution de 1875 est la plus orléaniste de toutes les constitutions qu’à connues la France.

Souci de se tenir à égale distance du pouvoir absolu (séparation des pouvoirs et limitation de l’executif), et de la démocratie intégrale.

è équilibre des pouvoirs : le suffrage universel est balancé par la présence d’une Chambre haute.

Pluralité des organes, dualisme des chambres, équilibre, telles sont les caractéristiques du schéma orléaniste. On les retrouve dans les textes de 1875.

On peut citer l’analyse de Rémond : finalement, l’orléanisme ne serait-il pas la « nature profonde de notre tempérament politique ? »

3. L’APPLICATION DE LA CONSTITUTION

3.1) Une lecture finalement républicaine des lois

L'application des textes sera très différente de l'esprit dans lequel ils ont été rédigés : le régime provisoire durera en fait 65 ans! Les pouvoirs présidentiels seront dans les faits contrebalancés par le contreseing ministériel. Le choix de présidents effacés (Grévy en 1879...) limitera leur rôle.

Les républicains adoptent ces lois sans enthousiasme, par opportunisme. Mais elles seront en fait le point de départ d'une véritable constitution républicaine.

A l'issue du vote des lois organiques : nouveau rapport de forces politiques : du fait de la division des droites, l'élection de 75 sénateurs censés être monarchistes conduit en fait à l'élection de 13 conservateurs et 62 républicains.

La question de la révision sera en effet un theme repris par les républicains, du moins jusqu'au boulangisme.

3.2) La question de la révision

les textes prévoient des conditions tres faciles a remplir pour une révision : aucun délai d'attente, un « pouvoir constituant » entierement aux mains au Parlement, une double initiative par les Chambres, aucune soumission à l'approbation du peuple français, dont l'avis pourrait être différent de celui des parlementaires!

Il suffit donc d'une majorité simple dans l'ensemble des deux Chambres.

Encore une fois, ce facilité de révision traduit la volonté par chacune des parties d'instaurer un régime facile à redéfinir, à remodeler.

CCL:Ces lois organiques, censées instaurer un régime provisoire seront effectives en fait

Elles préparent en fait la conquete de la république par les républicains.

elles sont en partie responsables de la crise du 16 mai.


dimanche 30 mai 2010

La crise en France 1932-36

Introduction :

Contexte français : La France en 1929 est au sommet de sa puissance : elle a vaincu l'Allemagne ( c'est donc une puissance militaire ), elle dispose d'un vaste empire colonial, la culture française jouit d'un rayonnement mondial.
Néanmoins faiblesse cachées: économie largement agricole, l'empire coûte cher et certains pays commencent a réclamer l'indépendance.
Contexte mondial: le krach de la bourse de New York en 1929 ( 24 octobre ) "jeudi noir"
France reste longtemps protégée de cette crise: jusqu'en 1930: forte production industrielle, franc fort, faible chômage.
Mais dès l'été 1930: les prix s'effondrent, la production et les exportations chutent, les actions boursières se déprécient, les impots rapportent moins.
La récessio, s'avère durable plus que partout ailleurs: en 1931 les français prennent brutalement conscience du marasme. La crise économique va être dépassée par de nombreuses crises.

I - Crise économique et sociale

a) les effets de la crise
Situation agricole particulière freine l'exode. Nombre d'exploitants reste stable, production identique. Mais effondrement des prix réduit la valeur de la production. Tout le tissu d'acitvités rurales et atteint, artisans et commerçants. La gravité de la crise entretien la dépression.
La crise agricole est donc générale mais la crise de l'industrie est plus contrastée. L'économiste J. Dessirier va faire une distinction entre secteurs "abrités" et "non abrités". Les secteurs abrités étant ceux qui peuvent résister à la baisse générale des prix et donc maintenir des profits. Le secteur public (postes, chemins de fer, électricté) se maintient. Certaines productions augmentent: raffinage de pétrole, aluminium. D'autres au contraire subissent de nombreuses faillites: textile, banques d'affaires, construction mécanique. Au total, en 1935, l'indice de production est sans doute en recul de 20% a 25% par rapport a 1930. La baisse du prix des actions atteint 60%. La crise aggrave les disparités structurelles, elle favorise la concentration économique. Le volume des exportations diminue de 60%. La crise atteint les finances publiques: logiquement la diminution de l'activité economique entraine une baisse des recettes de l'état - fiscalité- sur le secteur.On voit l'apparition d'un déficit budgétaire.

b) l'état face a la crise
D'abord l'objectif consiste à limiter la quantité de biens sur le marché : pour freiner les importations il relève les tarifs douaniers sur les denrées agricoles (1931) et les biens industriels (1932). L'état impose une surtaxe de change de 15% à l'encontre des pays ayant dévalués. Cela risque de créer en cas de reprise de grandes difficultés. Pour relever le cours l'état verse des primes à l'arrachage des vignes. Il fixe en 1993 un prix "plancher" du blé pour favoriser son stockage, escomptant de mauvaises récoltes. Mais confrontés a une nouvelle moisson abondante les agriculteurs se débarassent de leur récoltes à moitié prix ("blé-gangster"). L'état libère brutalement le marché en 1934, cela n'affecte pas le cours. Rien n'a été tenté pour moderniser les structures économiques. Le retour a l'équilibre passe par une réduction des dépenses. P. Laval en 1935 systématise la politique de déflation pour faire baisser le prix de détail francais. Il empute 10% des dépenses de l'état. Mais cette politique est brève, elle est vite contestée par la victoire du "Rassemblement populaire".

c) crise sociale
Crise ouvrière puis crise générale, elle aboutit aux réformes de Matignon. Il y a quatre caractéristiques:
Mouvement brutal, inattendu, car pas d’agitation en 1932-1935 (sauf quelques marche de la faim). Mai-juin 1936 : victoire du FP. Conséquence : Grande vague de grève avec l’occupation des usines. Débute en Province. Sont surtout concernés l’industrice et quelques commerces dont les grandes boutiques de Paris.
Modalité. Occupation d’usine (1° fois), sans violence globale, humeur joyeuse mais revendication et grève très sérieuse.
Origine. Accusation des « bolcheviques » mais en réalité grève spontanée car gouvernement ami, donc prise de positions forte pour assurer le passage de loi.
Portée. Forte car pression sur le gouvernement même s’il y a le retrait de certaines lois après. (40h)

II- Crise dans les relations internationnales

a) Les tensions franco-allemandes
b) La crise de l'empire colonial


III- Crise du régime

a) L'essouflement des partis traditionnels
b) L'antiparlementarisme
c) Le 6 février 1934 et le rassemblement populaire

samedi 29 mai 2010

Jaures et le socialisme francais

Jaurès et le socialisme français


Pistes d' Intro ;

*les origines du socialisme : C'est dans la première partie du 19ème
siècle qu'apparaissent les premiers courants socialistes en France. Les
premiers théoriciens socialistes (Saint Simon, Fourier, Cabet,
Leroux ...) manifestent une grande imagination; d'où leur appellation de
"socialistes utopiques". Les idées socialistes sont alors surtout des
jugements moraux dont l'influence dans les milieux populaires reste
marginale.
Après 1848, le combat pour la République, contre la monarchie et le
second Empire, se conjugue avec la lutte contre les nouvelles conditions
de travail engendrées par la Révolution Industrielle. Marx et Engels
proposent alors de rompre avec le "socialisme utopique" et de passer au
"socialisme scientifique" qui doit permettre, selon eux, de dégager
l'exigence du Socialisme des lois mêmes du développement du
capitalisme.
La reconnaissance du droit de grève en 1864 favorise le développement
des organisations ouvrières, mais la violente répression de la Commune
(20 000 morts en 1871) décime la section française de la première
Internationale créée en 1864.

*Socialisme français; particularités par rapport aux autres socialismes
européens ou internationaux notamment vis à vis de ses prises de
distances avec les syndicats .

Jaurès ; première grande figure du socialisme comme on l'etend à notre
époque + figure de la réunion du PS .

*Jaurès :Jean Jaurès est né à Castres en 1859 et mort à Paris en 1914,
normalien, agrégé, universitaire, issu d’une famille aisée. Il aurait pu
faire carrière au sein de l’université comme dans la politique.

Il fut cependant saisi par “l’épouvante sociale”. Député du “Tarn” à 25
ans, il défendit l’instruction publique, envisage un premier système de
retraites ouvrières et s’intéressa à la sécurité des ouvriers mineurs.


I Jaurès et sa progressive adhésion au socialisme (1885 / 1898)


*entrée dans le monde politique ; J.J formé intellectuellement durant ma
difficile naissance de la 3° République entre en politique à 25 ans en
tant que candidat républicain aux élections législatives de 1885 .Est
élu et siège avec les républicains opportunistes (où soutient
généralement Ferry ) . N'est pas réélu en 1889 .
a)La découverte du socialisme
Jean Jaurès reprend alors son enseignement à la faculté de Toulouse. Il
est reçu docteur en philosophie en et continue également son activité
politique. À partir de 1887, il collabore au journal La Dépêche du
Midide tendance radicale. Il devient conseiller municipal sur les listes
radicales-socialistes, puis maire adjoint à l'instruction publique de
Toulouse (1890-1893=. Ses travaux intellectuels, son expérience d'élu
local, sa découverte des milieux ouvriers et des militants socialistes,
l'orientent vers le socialisme . Cette évolution s'achève avec la grève
des mineurs de Carmaux.


b)La grève des mineurs de Carmaux ; l'adhésion définitive au socialisme
En 1892, quand éclate la grande grève des mineurs de Carmaux, Jean
Jaurès est à l'écart de la vie politique nationale. L'origine du conflit
est le licenciement d'un ouvrier mineur, leader syndical et socialiste
qui venait d'être élu maire de Carmaux. Le prétexte motivant le
licenciement est les absences de cet ouvrier , provoquées par ses
obligations d'élu municipal => licenciement est considéré par les
mineurs comme une remise en cause du suffrage universel et des droits
réels de la classe ouvrière à s'exprimer en politique.

Les ouvriers se mettent en grève pour défendre « leur » maire. Les
autorités républicaines envoient l'armée (1500 soldats) au nom de la
« liberté du travail ». La République semble ainsi prendre le parti du
patronat monarchiste contre les grévistes.

Dans ses articles à la Dépêche, Jean Jaurès soutient cette grève des
mineurs de Carmaux . Il accuse la République d'être aux mains de députés
et ministres capitalistes favorisant la finance et l'industrie aux
dépens du respect des personnes. Durant cette grève, il fait
l'apprentissage de la lutte des classes . et du socialisme . Arrivé
intellectuel bourgeois, républicain social, Jean Jaurès sort de cet
événement acquis au socialisme .

Le gouvernement arbitrera finalement au profit de cet ouvrier, le patron
et député démissionnera de son poste électoral et les ouvriers du bassin
appellent alors Jaurès à les représenter à la Chambre

Il est élu le 8 janvier 1893 en tant que « socialiste indépendant » .


c)Le premier mandat comme député socialiste de Jaurès (1893-1898)
Il milite avec ardeur contreles lois scélérates (lois visant à réprimer
le mouvement anarchiste )mais surtout, Jaurès se lance dans une
incessante défense des ouvriers en lutte. (par exemple, il défend les
verriers de Carmaux, participe à la fondation de la Verrerie ouvriere
d'Albi ,premier grand exemple d'entreprise coopérative.)

En 1898 il sera battu par le député qu'il avait détroné et perd donc son
mandat de député .



II Jaurès, le père du socialisme français


a) L'affaire Dreyfus
Au début de l'Affaire, Jaurès est convaincu de la culpabilité du
capitaine dreyfus . Jaurès utilise même la sentence de déportation,
qu'il juge clémente, pour dénoncer l'incohérence de la justice militaire
dans un discours à l'assemblée . Face à la campagne de révision, Jaurès
reste donc au départ en retrait. Mais, en 1898, le célèbre « J'accuse »
de Zola et ses conversation avec la jeune promotion normalienne et avec
des militants allemanistes (=socialistes révolutionnaires qu'il estime)
Jean Jaurès est convaincu de l'innocence de Dreyfus .Son choix réfléchi
et résolu est alors porté en faveur de Dreyfus et de la campagne
Dreyfusarde. Il fait comprendre au mouvement ouvrier et socialiste, par
le biais de son journal “L’Humanité” notamment (18 avril 1904) “pourquoi
son camp doit être celui de la justice, pourquoi il faut prendre sa part
de “l’humaine souffrance” afin de commencer à constituer cette humanité
qui “n’existe point encore ou […] à peine”. Pour lui, l'affaire est non
seulement un problème de justice individuelle, mais surtout de respect
de l'humanité elle-même ( pose le problème du mensonge et de
l'arbitraire des grandes institutions, notamment de l'armée) . Il
s'oppose alors à certains autres socialistes, dont Jules Guesdes .

Avec l'affaire Dreyfus, Jaurès devient un homme politique à l'influence
nationale.


b)Le socialiste, soutien de la République
Battu aux élections de 1898 (l' installation de la Verrerie ouvrière à
Albi et son ardente défense de Dreyfus ont provoqué sa défaite), Jaurès
se consacre au journalisme et devient co-directeur de La petite
républiqueun journal socialiste républicain.

Parallèlement, il dirige une Histoire socialiste de la France
contemporainepour laquelle il rédige les volumes consacrés à la
révolution Française .

En 1902, Jean Jaurès participe à la fondation du Parti Socialiste
français . La même année, il parvient à reconquérir le siège de député
de Carmaux qu'il conserve d'ailleurs jusqu'à sa mort (réélu en 1906,
1910 et 1914). Son talent d'orateur lui permet de devenir le
porte-parole du petit groupe socialiste de l'Assemblée nationale.

Jaurès et son PSF s'engagent nettement en faveur du bloc des Gauches
(c'est la première fois que des socialistes deviennent ministres) Jaurès
participe à la rédaction de la loi de séparations des Églises et de
l'État . Cependant, Jaurès et les autres socialistes sont déçus par la
lenteur des réformes sociales. Le dynamisme du bloc des Gauches
s'épuise, de plus, le rapprochement politique avec un gouvernement
"bourgeois" allant jusqu'à la participation gouvernementale est,
condamnée par l'internationale socialiste .


c)La création de l'Humanité et l'unification du mouvement socialiste
En 1904, Jaurès fonde le quotidien L'Humanitéqu'il dirige jusqu'à sa
mort. Jaurès sous-titre son journal "quotidien socialiste" et l'utilise
pour accélérer l'unité socialiste.

Celle-ci est réalisée sous pression de la deuxieme internationale au
congrès du globe (avril 1905) avec la création de la SFIO, unifiant les
différentes sensibilités socialistes de France.

Jaurès partage la direction de la SFIO avec le marxiste Jules Guesde .
La SFIO fait sienne le constat de la lutte des Classes et s'affirme
clairement internationaliste. Dirigeant politique important, il engage
le dialogue avec les syndicalistes révolutionnaires de la CGT. En 1914,
la SFIO rassemble 17% des voix et obtient 101 sièges de députés.


d)Le pacifisme
Jaurès lutte contre la venue de la guerre les dix dernières années de sa
vie. Il est très préoccupé et inquiet face à la montée des nationalismes
et par les rivalités entre les grandes puissances . Il mène une
vigoureuse campagne contre la « loi des 3 ans » de service militaire,
défendue ardemment par le député Emile Driant . La loi est votée en 1913
malgré le rassemblement du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913, où Jaurès
fait un discours devant 150 000 personnes.

Jaurès tente d'infléchir dans un sens favorable à la paix la politique
gouvernementale. Il rappelle le mot d'ordre de grève generale décidé par
l'internationale ouvrière en cas de déclenchement de la guerre.


III Les idées socialistes de Jaurès: le Jaurésisme


a) Un marxisme à la française ?

Le socialisme de Jean Jaurès mêle le marxisme aux traditions
révolutionnaires et républicaines françaises. Le socialisme de Jaurès
est souvent qualifié d'«humaniste» avec ses références constantes à la
DDHC et à la révolution française dont il fut l'historien.

Jaurès retient du marxisme l'idée du danger de la concentration
capitaliste, la théorie de la valeur et la nécessité de l'unité du
prolétariat. Jaurès est évidemment favorable à des lois de protection
sociale. Il souhaite aussi une collectivisation volontaire et partielle.
Il veut la démocratisation de la propriété privée et non sa destruction
et il est attentif aux mouvements coopératifs (Verrerie ouvrière
d'Albi).

Socialiste, Jaurès dénonce le contraste entre l’énorme misère du
prolétariat industriel et l’insensibilité sociale de la bourgeoisie.
Pendant une longue époque du dix-neuvième siècle, la défense égoïste de
ses privilèges a poussé la bourgeoisie à vouloir imposer le silence au
prolétariat en lui interdisant le droit de grève et le droit syndical
(qui ne sera reconnu qu'en 1884). Dans son livre intitulé Jean Jaurès,
un combat pour L'Humanité, Pascal Melka montre en quels termes Jaurès
dénonce cette situation dans sa plaidoirie au procès qui a opposé en
1894 le journaliste Gérault-Richard au Président de la République
Casimir Périer :

Et vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos
accusations! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de
silence! Songez donc qu’il y a cent ans il y avait dans ces ateliers et
dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le
droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation,
même leur souffle de misère : ils se taisaient. Puis un commencement de
liberté républicaine est venu. Alors nous parlons pour eux, et tous
leurs gémissements étouffés, et toutes les révoltes muettes qui ont crié
tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en nous, et éclatent par
nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous ne comprimerez
pas toujours.



b) un socialisme républicain ?

Jaurès conçoit, par ailleurs, le passage au socialisme dans le cadre de
la République parlementaire. Attaché aux traditions républicaines
françaises, il n'est cependant pas centralisateur (comme le montrent ses
idées sur l'enseignement des langues régionales).

Si Jean Jaurès emprunta à Karl Marx son concept de l’évolution
révolutionnaire et fut un chantre de la laïcité. Gilles Candar,
président de la société d’études jaurésiennes, souligne dans son étude
“Jaurès l’initiateur” (Le Nouvel Observateur, mai 2010): “Avec Briand,
il fait voter une loi de séparation des églises et de l’Etat (1905) qui
reste à la base de notre identité laïque moderne, malgré les remises en
cause d’une droite revancharde: liberté de conscience et garantie de
libre exercice des cultes sans reconnaissance.

Il ne refuse pas l’Etat, mais ne l’idolâtre pas non plus. Il se situe au
point d’intersection entre les socialistes collectivistes et ceux
d’abord soucieux des droits de l’individu.

C’est la démocratie qui doit arbitrer. Il est un des premiers à
envisager le développement de la diversité pédagogique au sein de
l’école publique.

il aspire à une liberté des patries au sein des gouvernements
internationaux, prélude à une organisation universelle de l’humanité qui
rompt avec le sentiment dominant de supériorité occidentale. Il n’est
pas l’homme du parti, mais il est l’homme de l’Internationale (sans
responsabilités).


Conclusion: jaurès fut un des leaders du socialisme français et un
brillant orateur, courageux et batailleur. Il fonda le Parti socialiste
français en 1901, le journal “L’Humanité” en 1904 puis dirigea avec J.
Guesde et E. Vaillant le Parti Socialiste “SFIO”, créé en 1905. Il a
soutenu et conseillé les ouvriers en grève, défendu la réduction de la
journée de travail (à 10 heures), le droit de la retraite, les
conditions de vie moins pénibles et plus dignes...

Hostile à la politique coloniale et à la guerre, il fut assassiné par le
nationaliste Raoul Villain, le 31 juillet 1914. Sous sa direction fut
publié de 1901 à 1908: “Une histoire socialiste” où d’un point de vue
socialiste, il raconte les événements qui se développent de 1789 jusqu’à
la fin du 19ème siècle.

=> La continuation de Jaurès après sa mort : question de ce qu’aurait
fait Jaurès par rapport à l’union sacrée. On ne cherche pas quelqu’un
d’autre, mais un « nouveau Jaurès »

Si de Leroux à Jaurès, en passant par Proudhon et Malon, un fil court
dans ce socialisme français, c’est bien une certaine morale que Marcel
Mauss, l’ami de Jaurès et le neveu de Durkheim, identifiera comme une
« morale du don », comme le socle universel du lien social.

Le président de la société jaurésienne le présente en tant que “Notre
contemporain” soulignant en substance: “A la fois théoricien et homme
d’action, il a initié ce que peut signifier une politique de gauche dans
une démocratie capitaliste évoluée”.
Dommage que la France n’a plus d’homme politique de la taille de Jean
Jaurès.

La libération en France

La libération en France


Grâce au général de Gaulle est crée dès 1943 à Alger le Comité Français
de Libération National (CFLN). Il s’agit d’un assemblée composée de
résistants, d’anciens parlementaires etc.
Le 2 juin 1944, le CFLN devient le gouvernement provisoire de la
république française. La libération commence le 6 juin 1944 avec le
débarquement de Normandie et se complète en août par celui de Provence .
Jusqu'en mai 1945, la poursuite de la guerre est l'objectif qui mobilise
les énergies. La libération progressive du territoire s'accompagne de
batailles acharnées : bataille de Normandie, percée d'Avranches,
bataille des Ardennes, maquis de Saint Marcel (Morbihan), résistance du
maquis des Glières et de celui du Vercors, etc. Les troupes allemandes
se livrent à des massacres de représailles sur les populations civiles.
Avant la Libération des exécutions et des assassinats ont également lieu
dans cette tourmente de l'année 1944, de libération du territoire
national, qui mettent en cause tant les occupants que la Milice. Les 2
points culminants restent la libération de Paris et finalement la
libération de Strasbourg par la 2ème Division Blindée .



I- LES DÉBARQUEMENTS

a - Les préparatifs militaires des Alliés


Le projet anglo-américain de débarquement en Normandie pose de
redoutables problèmes. Les forces armées doivent pouvoir compter sur un
soutien logistique sans failles. Un engagement massif des forces
allemandes risqueraient fort de conduire à un échec, dont les
conséquences seraient désastreuses. Pour éviter cela, les Alliés mettent
sur pied un plan d’intoxication de grande envergure (Bodyguard).
Celui-ci comporte plusieurs projets parmi lesquels Fortitude Nord et
Fortitude Sud. Le but recherché; maintenir la dispersion des unités
allemandes, est atteint.



b - L’opération Overlord

L’offensive alliée est lancée le 6 juin 1944. Les troupes engagées sont
américaines, britanniques et canadiennes. Le général Eisenhower a la
responsabilité du débarquement. Les Alliés prennent pied dans la région
située entre l’Orne et le Cotentin. La résistance allemande est
vigoureuse et inflige de lourdes pertes aux assaillants.

Le réalisateur Steven Spielberg traite du même sujet dans son nouveau
film qui s’intitule Il faut sauver le soldat Ryan : alors que les forces
alliées débarquent à Omaha Beach, le capitaine Miller doit conduire son
escadron derrière les lignes allemandes pour une mission
particulièrement périlleuse : trouver et ramener sain et sauf le simple
soldat Ryan, dont les trois frères sont morts au combat en l’espace de
quelques jours ... Pendant que le petit commando progresse en territoire
ennemi, les hommes de Miller se posent des questions. Faut-il risquer la
vie de huit hommes pour en sauver un seul ?

La participation française aux combats est très réduite. Peu d’hommes,
sans doute, mais un héroïsme remarquable et des pertes importantes.

Une petite partie du territoire français est libérée. Dès le 14 juin, De
Gaulle est présent à Bayeux, première ville continentale libérée de
l’occupation allemande par les forces alliées débarquées en Normandie.
Le " plébiscite " de Bayeux est une étape vers l’instauration d’un
pouvoir français.

Pendant deux mois, les combats sont très violents. La rupture du front
intervient à Avranches à la fin du mois de juillet. Les Alliés peuvent
ainsi progresser vers le Bassin parisien, tout en s’engageant dans la
libération de la Bretagne.

c - L’opération Anvil - Dragoon

Les Alliés débarquent sur les côtes du Var le 15 août 1944. Français et
Américains y jouent un rôle décisif. L’armée est commandée par le
général de Lattre de Tassigny.

L’opération Anvil - Dragoon est un succès : Toulon et Marseille sont
libérées plus tôt que prévu. La Résistance fournit un appui appréciable.
Les forces alliées remontent la vallée du Rhône et rejoignent en
Bourgogne les troupes d’Overlord en septembre.

Dès le 25 septembre 1944, l’armée qui a dirigé l’opération Anvil -
Dragoon devient la première armée française.

II - LA LIBÉRATION DE PARIS

(c'est en effet la libération de paris que la plupart des gens ont en
tête quand on parle de « la libération » )

a - Les objectifs américains et allemands

Eisenhower souhaite remettre à plus tard la Libération de Paris. Les
Américains préféreraient contourner la capitale pour ne pas ralentir la
progression alliée.

Les consignes de Hitler sont très claires. Les Allemands doivent tenir
leurs positions, même si cela doit conduire à la destruction de Paris.
Le général Von Choltitz, qui est en charge du " Gross Paris ", doit
veiller à l’application de ces ordres.

b - L’insurrection

Paris est en effervescence. Les policiers, les cheminots et d’autres
travailleurs se mettent en grève. Le Comité parisien de Libération est
confronté à une décision difficile : faut-il déclencher l’insurrection
au risque de provoquer de terribles représailles ? Les communistes, qui
sont très influents, sont favorables à l’action immédiate. Alexandre
Parodi, le délégué général de De Gaulle, se rallie à la thèse
communiste.

L’insurrection est déclenchée le 19 août 1944. Le Consul général de
Suède, Raoul Nordling, négocie une trêve. Cependant, les résistants
n’ont pas été inactifs : ils ont mis en place des barricades et investi
dans des bâtiments publics. Choltitz ne croit plus à la victoire et
n’utilise pas toute la capacité de nuisance allemande. La trêve est
rompue le 22 août.

C’est également ce dont traite le film de René Clément Paris
brûle-t-il ? retraçant la libération de Paris. En effet, au début d’août
1944, les alliés approchent de la capitale. Hitler a ordonné au général
Von Choltitz, gouverneur de Paris, de faire sauter les principaux
bâtiments et monuments de la capitale s’ils y pénètrent.

c - Paris libéré

Le déclenchement de l’insurrection modifie les projets américains.
Eisenhower considère qu’il n’est pas possible d’abandonner la capitale
française dans une telle situation. La IIème division blindée du général
Leclerc peut désormais intervenir. Les premières troupes françaises
arrivent dans la soirée du 24 août. Le lendemain, Choltitz signe l’acte
de reddition. Ce même jour, De Gaulle célèbre " Paris libérée, !libérée
par elle-même, libérée par son peuple... ". Le 26 août, le triomphe du
général est total : il défile sur les Champs - Elysées, tandis qu’une
immense foule l’acclame.

" Heureux ceux qui ne regardèrent pas, ce soir-là, à être des
énergumènes ! Heureux ceux qui pleurèrent, rirent, acclamèrent, levèrent
les bras, étreignirent des inconnus, se prirent par le bras et
chantèrent, en marchant au hasard devant eux, en dansant, en portant des
lumières, en agitant des drapeaux tricolores, étoilés, barrés de deux
droites et de deux diagonales... Heureux les déchaînés, les enfants, les
têtes blanches, les boucles blondes, qu’un ordre enfin jetait en pleine
fête, ivres avant d’avoir bu, rués vers les sauveteurs déferlants !
Heureux les hors d’eux-mêmes !

Colette, Jours de Gloire





III-LES DERNIÈRES VILLES LIBÉRÉES

a - La libération de Metz

A la fin du mois d’octobre, une importante offensive américaine fait
sauter le " verrou " de Maizières-lès-Metz. Le 8 novembre commence alors
la bataille pour la libération de Metz. Plutôt qu’un affrontement direct
qui serait sans nul doute destructeur, Patton préfère la solution de
l’encerclement de la ville. Le 18 novembre au matin, devant l’avancée
des troupes américaines, les Allemands décident de faire sauter les
derniers ponts sur la Moselle. Le 19 novembre, après d’âpres combats,
les valeureux soldats du général Walker entrent dans les faubourgs de la
ville par le sud. La messe est désormais presque dite. Le fort de
Queuleu tombe le 20 novembre, et le 21, le général Kittel est fait
prisonnier. Le 22 au matin, alors que des affrontements sporadiques se
déroulent encore dans le quartier Saint-Vincent, le général Walker
commandant le XXème corps américain remet, au cours d’une cérémonie
officielle sur la Place d’Armes, la ville au général Dody, nouveau
gouverneur de Metz. Après plus de quatre années d’annexion et de
privations en tous genres, la ville de Metz est enfin libérée du joug
allemand grâce au courage des soldats américains.

" Ce que j’ai entendu dire confirme tout ce que je sais et je crois que
le Führer ne sera plus tellement longtemps prophète. La patience est
parfois une vertu difficile, mais quand on sait que la récompense est au
bout, on supporte avec calme et confiance ses petites misères. Dîtes
bien à tous les amis qu’on ne cesse de penser à eux et qu’ensemble nous
voulons travailler, la paix retrouvée, à la prospérité d’une magnifique
Lorraine. "

Mémoires du docteur Théodore Wilhelm, grand-père de Marie (décédé en
1974).


b – La libération de Strasbourg

23 novembre : La deuxième division blindée du général Leclerc entre dans
Strasbourg après avoir parcouru plus de 100 km en 6 jours. La ville est
libérée et 12 500 soldats allemands sont faits prisonniers. Leclerc
s'adressera aux Alsaciens en ces termes: " […] la flèche de votre
cathédrale est demeurée notre obsession. Nous avions juré d'y arborer de
nouveau les couleurs nationales. C'est chose faite. »Strasbourg est donc
libérée assez facilement grâce à une offensive rapide le 23 novembre, le
drapeau français est hissé au sommet de la cathédrale : Strasbourg est
libérée et avec elle c'est tout un symbole que la France à retrouvé et
va utiliser .




Conclusion : La situation de la France à la Libération est désastreuse
( 600 000 morts civils et militaires / déficit de la population / 1
million de famille sans abri / français amaigris ) et requiert un effort
considérable de reconstruction et de redressement. Les divisions,
tensions et réalisations de la période de l'Occupation, tout comme la
dynamique de reconstruction, influent de manière

décisive sur l'histoire de la France dans le second XXe siècle.

La Libération c'est aussi la restauration de la vie politique. Au fur et
à mesure que le territoire connaît sa libération, les Français
réinventent les institutions politiques et veulent réformer les
structures juridiques et économiques du pays. Le mouvement à la
Libération est double : il est inspiré par la Résistance intérieure et
mené par le général de Gaulle. Les Mouvements Unis de Résistance (MUR)
regroupent plusieurs autres mouvements en Mouvement de Libération
Nationale (MLN) ; à la conférence de Brazzaville de Gaulle étudie les
futures relations, nées de la libération, entre la métropole et les
colonies.





(et en bonus : le discours du Général, fait le 25 aout 1944 à Paris,
quand même il vaut le coup !...)


« Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l’émotion qui nous étreint
tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout
pour se libérer et qui a su le faire de ses mains. Non ! Nous ne
dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des
minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies. Paris ! Paris
outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! Libéré par
lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la
France, avec l’appui et le concours de la France toute entière, de la
France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France
éternelle. Eh bien ! Puisque l’ennemi qui tenait Paris a capitulé dans
nos mains, la France rentre à Paris, chez elle. Elle y rentre sanglante,
mais bien résolue. Elle y rentre, éclairée par l’immense leçon, mais
plus certaine que jamais de ses devoirs et de ses droits. Je dis d’abord
de ses devoirs, et je les résumerai tous en disant que, pour le moment,
il s’agit de devoirs de guerre. L’ennemi chancelle mais il n’est pas
encore battu. Il reste sur notre sol. Il ne suffira même pas que nous
l’ayons, avec le concours de nos chers et admirables alliés, chassé de
chez nous pour que nous nous tenions pour satisfaits après ce qui s’est
passé. Nous voulons entrer sur son territoire comme il se doit, en
vainqueurs. C’est pour cela que l’avant-garde française est entrée à
Paris à coups de canon. C’est pour cela que la grande armée française
d’Italie a débarqué dans le Midi et remonte rapidement la vallée du
Rhône. C’est pour cela que nos braves et chères forces de l’intérieur
vont s’armer d’armes modernes. C’est pour cette revanche, cette
vengeance, et cette justice que nous continuerons de nous battre
jusqu’au dernier jour, jusqu’au jour de la victoire totale et complète.
Ce devoir de guerre, tous les hommes qui sont ici et tous ceux qui nous
entendent en France savent qu’il exige l’unité nationale. Nous autres,
qui aurons vécu les plus grandes heures de notre Histoire, nous n’avons
pas à vouloir autre chose que de nous montrer, jusqu’à la fin, dignes de
la France. Vive la France ! »

jeudi 27 mai 2010

La Place du sénat sous la III° République.

Après la chute du Second Empire et l’épisode de la Commune, c’est une Chambre des députés majoritairement monarchiste qui dote finalement la France d’une constitution républicaine promise à une longévité exceptionnelle : la IIIe République va durer soixante-cinq ans ! La Constitution de 1875 limite considérablement le pouvoir du président de la République. Celui-là n’est pas élu au suffrage universel direct mais par les deux Chambres réunies en congrès. Chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre - et la Constitution prévoit que les ministres sont responsables devant les Chambres de la politique du gouvernement. Seule parade de l’exécutif contre une majorité hostile à sa politique : il a le droit de dissoudre la Chambre des députés. Mais cette dissolution doit être approuvée par le Sénat.
Pour la première fois, le nouveau Sénat dispose de pouvoirs identiques à ceux de la Chambre des députés. Il compte trois cents membres, qui doivent être âgés de plus de quarante ans : deux cent vingt-cinq d’entre eux sont élus par un collège restreint pour neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans ; soixante-quinze sénateurs inamovibles sont désignés par la Chambre des députés et par le Sénat. Comme sous la première Restauration et la Monarchie de Juillet, le Sénat, constitué en Haute Cour de justice, a des compétences judiciaires. Il peut juger les crimes de haute trahison commis par le président de la République ou les ministres, ainsi que les attentats contre la sûreté de l’Etat. Conçu pour faire contrepoids à une Chambre des députés élue au suffrage universel direct, le Sénat est élu par les députés, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux (un par commune, quelle que soit sa population, soit quarante-deux mille électeurs pour toute la France). Ce mode d’élection doit en faire le représentant privilégié des petites communes rurales et, espèrent les conservateurs, un bastion de la tradition. Très vite, une première épreuve de force s’engage entre le monarchiste Mac-Mahon, premier président de la nouvelle République, et les républicains. Ces derniers en sortent renforcés et cherchent, avec succès, à conquérir le bastion du Sénat. Au premier renouvellement par tiers, en janvier 1879, les républicains modérés obtiennent, avec soixante-six des quatre-vingt-deux sièges renouvelés, la prépondérance à la Chambre Haute. Les Chambres, désormais toutes deux acquises à la cause républicaine, consolident le régime par quelques mesures spectaculaires : adoption de la Marseillaise comme hymne national, fixation de la fête nationale au 14 juillet. Etablies à Versailles depuis que la Chambre des députés y avait pris ses quartiers pendant la Commune de Paris, elles décident aussi le 22 juillet 1879 de revenir siéger à Paris, malgré l’hostilité de nombre de sénateurs envers ce retour. “L’Assemblée à Paris, c’est Paris maître de la France, l’Assemblée à Versailles, c‘est la France maîtresse de ses destinées”, s’exclame le sénateur Laboulaye. Pendant la période des grandes réformes, le Sénat affirme son pouvoir. Après le cabinet Tirard en 1890, c’est au tour de Léon Bourgeois de se retirer, à la session du printemps 1896, devant l’opposition des sénateurs . Mais le parlementarisme républicain n’a pas que des partisans et le pays est, pendant cette période, secoué par deux crises majeures - la menace boulangiste et l’affaire Dreyfus .
Le président du Sénat, Loubet, est élu président de la République en 1899 dans un climat tendu, marqué par le déchaînement de l’opposition nationaliste. Il confie à un sénateur, le républicain modéré Waldeck-Rousseau, la formation d’un gouvernement de “défense républicaine” et le soin de ramener la stabilité dans le pays. Cet avocat nantais engage la lutte sur un double front. Il fait juger par le Sénat réuni en Haute Cour les chefs des ligues, Déroulède et Jules Guérin. Il affaiblit le pouvoir des congrégations religieuses en faisant voter le 2 juillet 1901 la loi sur les associations qui prévoit la liberté des associations laïques, mais limite et contrôle le droit d’association des congrégations. Son successeur, le “petit père Combes” poursuit et “radicalise” l’œuvre de laïcisation entreprise par Waldeck-Rousseau, en appliquant de façon restrictive la loi sur les associations (presque toutes les autorisations sollicitées par des congrégations religieuses sont refusées par la Chambre) et en faisant voter le 9 décembre 1905 la loi sur la séparation de l’Église et de l’État. Mais le Bloc des gauches, vainqueur des élections de 1902 qui ont porté Combes à la présidence du Conseil, s’effrite peu à peu. Combes doit démissionner en 1905.
En janvier 1906, Armand Fallières, président du Sénat, succède à Émile Loubet à l’Élysée et charge Georges Clemenceau, sénateur et leader du parti radical, alors âgé de soixante-cinq ans, de former le gouvernement. Malgré la longévité de son ministère - il se maintient jusqu’en 1909 - le “Tigre” est loin de réaliser toutes les mesures radicales affichées à son programme. L’instauration de la journée de travail à huit heures pour les mineurs, du principe des habitations à bon marché ou des retraites ouvrières voient bien le jour, mais le projet d’un impôt sur le revenu, adopté par la Chambre, se heurte à l’opposition du Sénat.
S’ouvrent alors six années d’instabilité ministérielle pendant lesquelles dix cabinets se succèdent à la tête du pays. L’antiparlementarisme progresse dans l’opinion. Pour l’enrayer, Briand, successeur de Clemenceau à la présidence du Conseil, préconise l’adoption de la représentation proportionnelle, ce qui permettrait aux électeurs de se prononcer sur des programmes d’intérêt général. Adopté à la Chambre, le projet est arrêté au Sénat, forteresse des nouveaux notables radicaux, principaux bénéficiaires du scrutin d’arrondissement. En 1913, un sénateur, Raymond Poincaré, qui a été président du Conseil en 1912, est élu président de la République à cinquante-deux ans.La ratification du traité de Versailles, en 1919, donne lieu à un long débat parlementaire et constitue le dernier acte important de la Chambre élue en 1914. Les premières législatives de l’après-guerre, en novembre 1919, portent sur les bancs de la Chambre des députés une majorité “Bleu horizon”, comportant un grand nombre d’anciens combattants.
Au Palais-Bourbon, la majorité revient à une coalition des droites, le “bloc national”, tandis qu’au Sénat, les élections donnent la majorité aux radicaux. Soupçonné d’aspirer secrète-ment à la dictature, Clemenceau, le “Père la Victoire”, est écarté de la candidature à la présidence de République au profit de Paul Deschanel. Après Millerand, qui a succédé à Deschanel à peine élu, c’est à nouveau un président du Sénat, le radical modéré Gaston Doumergue, qui s’installe à l’Elysée en 1924. Il fait appel à Edouard Herriot, président du parti radical, pour constituer le gouvernement. Mais le pays est en proie à une grave crise financière. Pour faire face au déficit budgétaire, le gouvernement Herriot doit faire appel à des avances de la Banque de France, dépassant ainsi le plafond autorisé de circulation monétaire. Mis en minorité sur cette question devant le Sénat, Herriot démissionne le 10 avril 1925. L’instabilité ministérielle s’installe à nouveau, jusqu’au retour aux affaires de Raymond Poincaré en juillet 1926. Il parvient à se maintenir pendant trois ans avant de céder la place à plusieurs cabinets modérés.
Elu à la présidence de la République en mai 1931, Paul Doumer est assassiné un an plus tard par l’anarchiste Gorguloff. Albert Lebrun, comme Doumer ancien président du Sénat, lui succède. Sur fond de crise économique, les ministères de son septennat sont voués à l’éphémère : certains sont renversés le jour même de leur présentation devant la Chambre ! Depuis la crise du 16 mai 1877, aucun président de la République n’a osé recourir à nouveau à la dissolution de la Chambre. Résultat : l’exécutif est paralysé, les Chambres font et défont les cabinets.
Les chefs de gouvernement déplorent amèrement “la tyrannie de la séance”. L’antiparlementarisme connaît alors une nouvelle poussée de fièvre, alimentée par des scandales auxquels sont mêlées des personnalités politiques (affaire Hanau, scandale Oustric, affaire Stavisky).
La crise du régime culmine le 6 février 1934, quand des anciens combattants, des membres des ligues et les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque marchent sur le Palais-Bourbon. Daladier résiste au coup de force, mais doit démissionner le lendemain. A nouveau, les ministères se succèdent, jusqu’aux élections de 1936 qui voient la victoire du Front Populaire. Devenu le parti le plus représenté à la Chambre après les législatives de mai 1936, le parti socialiste revendique et obtient la présidence du Conseil, confiée à Léon Blum. Mais ce dernier se heurte à des difficultés économiques et politiques considérables et lorsque, le 15 juin 1937, il demande les pleins pouvoirs financiers, la Chambre des députés les lui accorde, mais le Sénat les lui refuse. Blum démissionne le 21 juin. En avril de l’année suivante, il se heurtera à nouveau à l’opposition du Sénat, et notamment à celle de Joseph Caillaux, président de la commission des Finances.
Eté 1940. Les troupes allemandes sont entrées en France, le gouvernement s’est replié à Tours et à Bordeaux, un exode massif pousse les civils sur les routes. C’est la débâcle. Président du Conseil depuis mars 1940, Paul Reynaud démis-sionne le 16 juin et c’est le maréchal Pétain qui forme le nouveau ministère et signe l’armistice de Rethondes. En juillet le gouvernement s’installe à Vichy. Le 10, l’Assemblée nationale (qui réunit Chambre des députés et Sénat) vote une révision des lois constitutionnelles de 1875. Seuls quatre-vingts parlemen- taires votent contre cette révision, qui donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain. Ce dernier promulgue aussitôt trois actes constitutionnels, dont l’un dispose que la Chambre des députés et le Sénat subsistent “jusqu’à ce que soient formées les nouvelles Assemblées”, mais sont ajournés. C’est la fin de la Troisième République.
→ voilà un bon résumé de la III° république, on voit les grandes évolutions et les grands blocages du sénat. Le sénat semble être le réservoir privilégie des grands hommes politiques.
Des petites mises au point :
-les lois sur le sénat : Loi du 24 février 1875 sur l'organisation du sénat + le Sénat est seul à pouvoir se constituer "en Cour de justice pour juger soit le Président de la République soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat"(article 9 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat). + le Sénat donne son avis conforme au Président de la République pour la dissolution de la Chambre des députés (article 5 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics).
-Sénat possède l'initiative des lois . Est prééminent en matière législative sur la chambre des députés ( du moins dans les textes).
-régime parlementaire dualiste bicaméral caractérisé par l'équilibre entre pouvoirs législatifs et exécutifs( responsabilité ministérielle/droit de dissolution ) ainsi qu'au sein même de ces pouvoirs (président/ministres; députés/ sénateurs) Mais a pratique politique rompra cet équilibre. À l'inverse de la chambre des députés qui est élue au suffrage universel et symbolise la gauche en quelque sorte, le sénat apparaît comme conservateur et est le signe du compromis avec la droite monarchique encore très présente. Sénat occupe une place importante puisqu’elle dispose aussi bien de l’initiative que du vote des lois, pouvant en ce sens influer considérablement sur les décisions des députés. Le Sénat contrôle en quelque sorte la chambre des députés, et peut engendrer sa dissolution par l’intermédiaire du Président de la République. Malgré certaines attributions particulières, le bicaméralisme instauré entraine un réel équilibre entre les deux chambres. Pourtant, le fait que le Sénat ne puisse être dissous est un facteur important de supériorité par rapport à la Chambre des députés.
-La crise du 16 mai 1877 : Jules Simon, républicain, sera nommé président du Conseil en 1877. Du côté de la présidence, Mac Mahon se place en faveur d’un système dualiste, dans lequel les ministres auraient à la fois la confiance du Parlement, et celle du Président de la République. Le 16 mai 1877, face à la trop grande soumission du gouvernement (et donc du président du conseil) devant la majorité républicaine élue plus tôt à la Chambre des députés, Mac Mahon lui envoie une lettre de blâme. Ainsi, Jules Simon démissionne de son poste, et le duc de Broglie prendra sa succession. Aussi, la Chambre, ajournée pour un mois, redeviendra critique quant au côté antiparlementaire de Mac Mahon. Elle sera en conséquence dissoute par ce dernier. De nouvelles élections seront consécutives à la dissolution, amenant les républicains à une nouvelle victoire. Face à cette situation, Mac Mahon démissionne le 30 janvier 1879. Jules Grévy sera élu à sa place, établissant un pouvoir régi en grande majorité par les républicains. Le système se parlementarise alors.
-Quand la gauche républicaine devient largement majoritaire, les radicaux derrière Clémenceau réclament un approfondissement démocratique des institutions via la suppression du Sénat ainsi que de la fonction de président. Face à cette hostilité, en août 1884, la forme républicaine du gouvernement devient intangible, les membres ayant régné sur la France sont inéligibles et les sénateurs deviennent tous élus ( suppression des élus à vie).
-Instituée par les monarchistes, cette constitution doit faire consensus avec les républicains qui l'interprètent à leur façon.

Une idée d'intro et de plan :

Tantôt institution maîtresse du pouvoir délibérant, comme dans la Constitution de l'an VIII, tantôt abandonnée en faveur du monocaméralisme comme dans la seconde république, ce n'est qu'avec l'avènement de la Constitution de 1875 de la III° république acquiert sa légitimité au sein des institutions françaises. Et si, ainsi que le déclame Dufaure, la Constitution de 1875 est "avant tout un sénat", il convient de s'interroger sur la genèse de cette institution et sur les réponses qu'elle apporte à une période troublée de l'histoire qui place en elle ses espoirs.
Aussi étudierons-nous en premier lieu la naissance du sénat républicain lors de la IIIrépublique, puis nous questionnerons le rôle du sénat dans le fonctionnement institutionnel de la III°république.
Enfin nous montrerons en quoi le sénat constitue sinon un bastion conservateur et monarchique, du moins un défenseur de la stabilité institutionnelle de la III° république et un porte-parole du conservatisme économique et social.

I.De la genèse à la création du Sénat républicain
1.Les projets et rejets d'un Sénat conservateur
2.La création du Sénat : la loi organique du 24 février 1875
II.Place et rôle du Sénat au sein des instances républicaines
1.De l'élection et de la composition du Sénat
2.Le Sénat face aux institutions républicaines: attributions du Sénat et bicamérisme égalitaire. Problème de l'antiparlementarisme.
3.Le Sénat : sorte de réservoir d'hommes politiques futurs présidents
III.Le Sénat interprète et acteur de la IIIème République
1.Le Sénat défenseur de la stabilité institutionnelle
2.Un Sénat porte-parole du conservatisme économique et social
3.1.L'Anticléricalisme, reflet de l'ambiguïté de la IIIème République

mardi 25 mai 2010

les mythologies politiques françaises

Mythes et mythologies politiques

Intro : définition du mythe est multiple :
1) récit qui se réfère au passé et relate comment une réalité est venue à l’existence, à partir d’exploits d’être +/- fabuleux (=> par extension, grandes figures ds lesquelles une nation/scté reconnaît ses valeurs fondamentales)
2) confusion avec la notion de mystification : écran entre la réalité des faits et les exigences de la connaissance
3) fonction d’animation créatrice, appel au mouvement et à l’action, stimulateur d’énergie (lecture de G. Sorel)
ð la mytho politique se structure et s’affirme en fonction de ces trois dimensions
mythe politique fondamentalement polymorphe et ambigu : multiples résonances et significations qui peuvent être opposées
entreprise de R. Girardet : explorer l’imaginaire politique et l’effervescence mytho, phénomène qui échappe à toute rationalité ; méthode = définir les contours de cette mythologie, dégager les structures fondamentales, explication puis interprétation.

I. Présentation des quatre mythes étudiés par R. Girardet
1. La conspiration et le spectre du complot
Au centre, l’image d’une organisation pyramidale dirigée par une autorité anonyme dans laquelle l’indvd est happé, avec comme caractéristiques : le secret ; un objectif = la domination du monde, une mainmise sur tous les peuples ; un moyen = la manipulation pour susciter la désagrégation morale des êtres, avec une stratégie multidimensionnelle (de l’appareil politique à tous les domaines de vie collective, mœurs, organisation familiale, …). Conspirateurs = éléments exogènes et non identifiés, exclus du corps social, soumis à leurs propres lois et impératifs.
Trois images de complots : juif, jésuite, franc-maçon.
2. Le sauveur
Deux exemples : A. Pinay, « héros de la normalité » (le mythe s’est construit en l’absence d’éléments habituellement considérés comme exemplaires) et Tête d’Or (Paul Claudel), « héros de l’exception », brusque irruption d’un sauveur à la tête du pouvoir.
Quatre modèles/types de sauveurs :
Cincinnatus : vieil homme politique qui s’est illustré dans la vie politique puis qui a pris sa retraite loin des tumultes de la vie publique. Rappelé par l’angoisse d’un peuple qui le pousse à interrompre sa vie paisible. (« fait don de sa personne », cf Pétain). Rôle = apaiser, protéger, restaurer. Doumergue, 34, Pétain, 40, DG, 58
Alexandre le Grand : Napoléon
Solon : homme providentiel, père fondateur dont la sagesse fait légitimité qui est sacralisé. Pétain au début de la Rvlt° Nationale (fondateur d’un « ordre nouveau »), DG en 58 = principes et règles d’une Rpblq nouvelle.
Moïse : le prophète, annonciateur des temps futurs, il lit dans l’histoire ce que les autres ne voient pas encore. Cf DG, dans la vision qu’en a A. Malraux : processus d’identification du destin individuel et collectif (DG et France). Il a « porté la France en lui ».
3. L’âge d’or
Constitué par des images nostalgiques, construites en opposition à l’image d’un présent qui connaît déchéance et tristesse. Soucis de conserver la trace des temps anciens. Attention portée à la pureté des origines (culte de l’innocence, du primitif, du naturel) et aux grandes époques du passé (Grèce Antique). Appels au ressourcement dans le passé, retours vers le temps sublimé du commencement (cf « refaire 1789 », « revenir au gaullisme de DG », …). Vision d’un temps non daté, non mesurable, au début de l’aventure de l’humanité. Attachement au modèle rural (par opposition à la ville corruptrice, et condamnation de la civilisation). Malaise face à une société moderne dont l’accélération du progrès menace les équilibres anciens.
4. L’unité
Construit par opposition avec la pluralité/société avec divisions et divergences, qui résulte de la liberté et de l’autonomie individuelle => société homogène et cohérente. Objectif = « reconstitution des fondements moraux et religieux de la politique ». Thème de la patrie. Effort pour rétablir « une volonté une et régulière » qui viendrait se substituer aux volontés divergentes. Image du banquet = repas pris en commun.


II. Naissance et construction de la mythologie politique
1. Du récit historique à la fabulation légendaire : une démarcation difficile à établir
* dans le cas du mythe du sauveur : un processus d’héroïsation organisé en trois périodes successives et qui aboutit à une transmutation du réel, absorbé dans l’imaginaire. 1) le temps de l’attente et de l’appel (=formation et diffusion de l’image d’un sauveur désiré qui cristallise les espoirs collectifs) 2) temps de l’avènement, du sauveur enfin survenu (fort poids de la manipulation volontaire des consciences dans l’élaboration mythologique). 3) temps du souvenir et de la relecture postérieure avec souvent une modification de la figure rejetée dans le passé.
Plus le mythe prend de l’ampleur, plus il s’étend sur un large espace chronologique et se prolonge dans la mémoire collective avec une attention portée aux détails : biologiques, physiques (cf haute taille de DG).
La mutation de la réalité au mythe nécessite que le sauveur soit conforme aux modèles d’autorité en vigueur dans la société. Ex : conscience nationale se construit autour de deux pivots : responsabilité et respectabilité sociale de l’instituteur et de l’officier, explique ferveur de l’adhésion à Pétain (autorité morale d’un instit, grades militaires) + le surcroît d’autorité de DG vient de l’importance du rôle tenu par l’armée ds identité française (insignes du commandement milit).
* mythe de la conspiration : la différence entre réalité et relecture par le mythe s’explique souvent par une réaction paranoïaque de la société, qui se sent menacée par les bouleversements de la modernité naissante. Ex : antisémitisme, la réalité statistique ne montre aucune présence juive importante. Inquiétudes et incertitudes se cristallisent dans ce cas autour de l’image maudite du juif ou du franc-maçon omniprésent, spoliateur et conquérant.
* mythe de l’age d’or : le « temps d’avant » est effectivement vécu, puis rêvé. Travail du souvenir => sélection, transmutation des éléments réels. Le passé auquel on se réfère n’a pas été directement connu comme tel. Dans les 20’s, idée entretenue de la possibilité d’un retour à l’avant guerre dont le statut est enjolivé par la mémoire (donc qui relève du mythe) comme « Belle Epoque ». Dans les 70’s, contestation de la société de consommation
2. Moments d’effervescence et temps faibles
La mythologie connaît des périodes d’intensité variable : poussées d’effervescence quand l’évolution économique et sociale se précipite et que le processus de changement s’accélère. Le mythe s’enracine, prend corps et se diffuse dans périodes et zones de fragilité et fracture sociale (le tissu social se défait, espoir de reconstitution par le mythe). S’affirme avec netteté dans les « périodes critiques » = mutations de la scté et des modes de vie.
3. Une symbolique récurrente et caractéristique
* mythe du sauveur : principes de continuité, de stabilité, valeurs de permanence et de conservation : la Terre, la maison (cf Pétain et RN). Images symboles de verticalité et de lumière = arbre qui se dresse et protège (DG, Pétain), torche qui brûle et éclaire, phare, colonne, …
* mythe de l’age d’or : culte de la France monarchique, du système de l’Ancien régime (un des postulats de base du maurrassisme, par opposition à la démoc parlementaire). Fréquence répétitive de formules qui font référence à l’innocence, la quiétude, la concorde, l’amitié, la confiance, la sureté. Images de l’enclos, du jardin, de l’île, du temple, du clocher, …
* mythe de l’unité : fréquence de la référence à la frontière dans l’iconographie
* mythe de la conspiration : Bestiaire utilisé = ce qui rampe, s’infiltre, se tapit, aspire, visqueux (araignée => image privilégiée, tend ses pièges avec une patience infinie, enveloppe sa victime et l’engloutit, serpents, sangsues …) + image du vampire qui suce le sang de ses victimes. Symbolique du feu, purificateur et rédempteur, efface les souillures, dissipe les angoisses et fait reculer les puissances des ténèbres.


III. Les fonctions sociales des mythes
1. Une société en crise
Société en crise et angoisse, marquée par l’incertitude = ferment pour la construction d’un mythe. Ex : crise de légitimité, ou d’identité qui se reconstruit par l’adhésion à qqchose/qqun de neuf (sauveur). Grandes peurs collectives (toutes les origines sociales), avec une intensité plus ou moins lourde, plus ou moins oppressante. Réminiscence des vieilles peurs enfantines ?
L’imaginaire réagit contre un changement et un désenchantement (au sens wéberien…) que la société ressent comme une agression.
Arrière plan d’inquiétude à la base de la volonté d’unité = malaise sociétal, crainte d’un affrontement des valeurs avant unies (effet négatif de la société moderne, de l’individualisme et du progrès), + charge de religiosité avec identification à Dieu qui lui est Un.
Double finalité de l’imaginaire mythologique = fonction de restructuration psychique et de réinsertion sociale (pour M. Barrès = « agent de socialisation des âmes »)
Durkheim : « Quand la société souffre, elle éprouve le besoin de trouver qqun à qui elle puisse imputer son mal, sur qui elle puisse se venger de ses déceptions. »
2. L’expression d’une société déséquilibrée et désorientée
* mythe du sauveur : passé d’ordre, de gloire rappelé au secours d’un présent de confusion.
Adéquation entre la personnalité du sauveur et les besoins de la société à un moment donné.
2 images : - Substitut de l’autorité paternelle, sentiment de respect et dévouement pour le protecteur. Chargé d’apaiser, de rétablir la sécurité, de faire front face aux menaces pour assurer la perpétuation de la communauté dont il porte la responsabilité. Fonction essentielle = gardien de la normalité dans la succession du temps.
- chef de bande, meneur et initiateur qui s’impose comme un modèle fascinant, dont il faut mériter l’estime par sacrifice (ex de la fièvre boulangiste qui s’empare des jeunes pour M. Barrès)
* mythe de l’age d’or : la ville est le modèle de la société moderne, régie par lois du profit et règles du marché => corruption. Retour à la terre est condition première d’une régénération des mœurs (Pétain : « la terre, elle, ne ment pas »). Péguy : le peuple a disparu, contaminé par la toute puissance de l’argent et l’avènement d’une basse bourgeoisie. Mythe oscille entre regret et espérance, entre évocation nostalgique et attente du retour de cet age d’or.
3. L’expression d’une société contestataire
* mythe de l’unité : toute bonne politique est impossible si la société souffre de division. Le mythe, très dvlppé pendant la IIIème Rpblq (à cause de l’incertitude institutionnelle qui règne, de la violence des affrontements religieux et de la profondeur des débats religieux), a donc une double finalité : explicative et mobilisatrice. L’exigence de l’unité se trouve au centre de la pédagogie historique : le narrateur ne peut faire preuve de neutralité, ne doit jamais donner raison à deux partis à la fois. La vérité historique est un impératif d’ordre moral. La pédagogie associe à Patrie les termes du vocabulaire religieux, liturgique et dogmatique (le plus sacré, le plus grand…)
* mythe de la conspiration : le complot judéo-maçonnique incarne l’Anti-France (formule chargée du poids des frayeurs ancestrales), apparaît comme un groupe de pression politique et instrument de contrôle idéologique. La vieille France chrétienne se sent atteinte au plus profond de sa foi et de ses fidélités lorsque la république amplifie le mvt de laïcisation de la scté (mesures anticléricales), accompagné d’un bouleversement des modes de vie traditionnels. Les faits sont ramenés par une logique inflexible à unique causalité : juif, franc-maçon, etc (l’explication se veut totale et claire, donc plus convaincante) => permet de rétablir une forme de rationalité/cohérence dans le cours déconcertant des choses.


Conclusion : nécessite de reconnaître sa juste place à mythologie plutôt que de passer outre de fait de la supériorité créatrice de l’intelligence, de son incomparable capacité d’invention et de renouvellement. Chaque mythe politique contient en lui même une vision globale et structurée du présent et du devenir collectifs. Mythologie exacerbée pendant Vichy avec l’idéologie de la Rvltion Nationale (on retrouve plusieurs des mythes, et à plusieurs niveaux). Un mythe est déterminant et déterminé : issu de la réalité sociale, il est aussi créateur de réalité sociale.