dimanche 11 avril 2010

La France de Messieurs Pinay, Mendès France et Poujade

Il s’agit là de 3 hommes forts de la 4e république. Cette république est mal aimée, car peu représentative : si la majorité réelle est formée des communistes et gaullistes, opposants a cette république, la majorité à l’assemblée est formelle : elle est celle qui s’est constitué a partir des apparentements, ces alliances entre partis minoritaires d’envergure (SFIO, MRP) et d’autres « petits partis » pourtant essentiels à la survie du système. C’est de ces partis que proviennent nos trois hommes :Pinay le libéral, Mendès le radical, Poujade le populiste. A ce titre ils représentent aussi trois forces singulières. Aussi est-il évident de se demander en quoi sont ils la représentation de 3 France particulières.

1.La France de Mr Pinay, une France de droite
1.1 La France de la finance
Pinay, c’est la confiance. C’est un nouveau Poincaré (il ne s’en cache pas du reste) qui inspire la confiance des milieux financiers. Son combat pour le franc, son orthodoxie libérale ne sont pas sans rappeler le lorrain. Son action économique va largement en faveur des patrons, et atteste de sa sympathie pour le milieu (il est lui même ancien entrepreneur). Grâce à son amnistie sur le capital douteux, il fait coup double en attirant les richesses et restaurant la confiance. De même sa générosité ( l’emprunt Pinay) lui attire une sympathie réciproque
1.2 La France des modestes
L’homme aime à entretenir une image sympathique, d’ « honnête gars » : il incarne le français moyen, dans lequel celui-ci sait se reconnaître. Sa personnalité joue en ce sens : petit entrepreneur dans le cuir, rural revendiqué( il est maire de Saint-Chamond près de Saint –Etienne),il ne paie pas de mine dans la classe politique. Pinay rassure l’homme de la rue comme il sait rassurer le capitaliste. Son discours libéral déguisé en « défense du consommateur »le rend également populaire.
1.3 La véritable France de l’occupation
Avec Antoine Pinay on se dirige vers la fin du résistantialisme. Son succès lié à son histoire rappellent que la plupart des français ont attendu la fin de l’orage sous Vichy. Cet homme, qui fut nommé au Conseil National sous Vichy et qui vota les pleins pouvoirs au Maréchal, contribue à la réhabilitation de la droite en son temps.

2. La France de PMF, une France de l’avenir ?
1.1 La France, pas l’empire
Un premier aspect du « renouveau » que propose PMF est la volonté d’en finir avec le passé colonial impérialiste. On peut clairement l’associer au pacifisme : dès son investiture en 54, l’homme de Louviers veut la paix la plus rapide en Indochine. Et il accélère l’histoire : un grand pas est fait pour l’indépendance du Maroc, de la Tunisie. S’il souhaite garder l’Algérie Française, c’est pour ses concitoyens de là-bas :il s’opposera du reste à la politique belliciste de Guy Mollet
1.2 Une France des bien lotis
PMF est le symbole du technocrate : érudit et pragmatique, il séduit les nouveaux cadres et les élites. Son volontarisme politique, sa volonté de moderniser l’Etat et la Société en en transformant les données plaisent aux gens instruits, tout comme son pacifisme.
1.3 Une France à la pointe ?
En voulant aller par delà les jeux des partis, prônant l’efficacité plutôt que la démagogie, il se coupe une part de la classe politique et un électorat potentiel. Ainsi sa « publicité » dans L’Express, sa volonté de réforme provoque la grogne de l’assemblée. Sa politique anticolonialiste le voit taxé de « bradeur d’empire ».

3. La France de Pierre Poujade : une France des exclus
3.1 Une France Populaire et rurale
Le lotois est un petit tribun de village, celui qui est sorti de « la communale » avec la verve. Il connaît son public et le flatte : recherche d’ennemis (le juif, le métèque), anti-intellectualisme (les « polytechniciens tarés ») sont des atouts pour cela. Sa haine des « profiteurs » lui vaudra le soutien, au début de son action, des communistes.
3.2 Une France qui stagne quand l’autre avance…
La base du mouvement Poujade est antifiscale : elle fédère les petits artisans, les petits commerçants qui ne sauraient tirer profit du dirigisme « confiscatoire » de l’Etat, qui les ruine plus qu’autre chose. Les agriculteurs les soutiennent quand «le juif Mendès »(dixit l’artiste…) décide une taxation du vin qui ne vient pas à point nommé pour eux. « Poujadolf » ressert ainsi les méthodes fédératrices de Mussolini (cf Winock, L’extrême droite en France ; Points-Seuil)
3.3 La France de l’Algérie
Voyant dans l’homme une énergie volontariste couplée à un nationalisme xénophobe, les Français d’Algérie adhèrent au discours. Le Meeting de Poujade à Alger est comble. Sans compter le nombre de volontaires poujadistes à s’engager dans l’armée à des fins plus ou moins justifiables (voir Jean-Marie Le Pen, jeune député alors)

Voici donc 3 France singulières que sont celles de nos hommes. Une qui meurt, celle de Poujade, une qui est en gestation (PMF), une qui à toujours existé dans l’orléanisme de Pinay qui renaît sous la 4e. 3 France qui sont hélas condamnées à l’alternance sous la 4e république. Poujade, une fois au pouvoir, n’a rien à proposer ; Mendès France se met à dos les parlementaires et les communistes qu’il abhorre ; Pinay voit sa légèreté et son calme mettre fin à son expérience de présidence du conseil.

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